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Jeu de rôle basé sur les règles inventées par J.K. Rowling dans l'univers de Harry Potter.


 
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 Les voyages forment la jeunesse

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Manny Manara
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MessageSujet: Les voyages forment la jeunesse   Les voyages forment la jeunesse Icon_minitimeSam 28 Nov - 15:48:58

D’une expression douce et tendre, Manny referma son journal et déposa sa plume dans son encrier. Il venait de terminer l’histoire de l’hôte. Une fiction qu’il proposerait au journal de l’école quand il n’aurait plus honte de partager le fruit de son imagination avec les autres. L’histoire de l’hôte serait une autre de ses fantaisies qui resterait consignée dans son journal intime qui n’avait d’intime que le constant refus de partager les pensées qu’il renfermait avec autrui. Il n’y relatait jamais rien qui ait pu avoir attrait à sa vie réelle. Lui qui avait toujours écrit, il avait cessé de s’adonner à cet exercice depuis le récent divorce de ses parents. A présent, les mondes imaginaires qu’il collectionnait par centaines parsemaient ce drôle de petit recueil à la couverture en peau de dragon et qui ne fermait que grâce à un lacet de cuir.

Le Poufsouffle ferma les yeux et souhaita fort plonger dans cette histoire pour la vivre vraiment. Sa soif d’aventures nouvelles le paralysait dans ces mondes chimériques. Plutôt que de voir dans ses compagnons de dortoir de simples garçons de seize ans, Manny les imaginait tels cinq paladins d’un autre temps qui passaient les dernières heures d’une longue journée la veille d’un combat final. Le lendemain, en se rendant en cours de potions, le professeur n’était autre que le terrible dragon boutefeu qui gardait le précieux secret de la larme d’or. Derrière son bureau-muraille, l’armoire de chêne devait forcément dissimuler un passage secret qui mènerait aux tréfonds de la terre. Ses compagnons et lui, au risque de leurs vies, vaincraient les mystères et obstacles qui se dresseraient sur leur passage, ils récupèreraient la larme d’or pour réveiller Gaëlle, la pudique princesse de septième année enfermée dans le donjon des Serpentard - bouse et triple bouse, comment avait-il pu s’enticher d’une Verte au point de la concevoir délicieuse princesse à sauver ! - et, pour finir, ils se marieraient et…
"… divorceraient bêtement, abandonnant leurs nombreux enfants dans l’antre du vilain dragon"
murmura pour lui Manny en rouvrant les yeux, mettant un terme à son délire devant les yeux ébahis d’un élève qui le dévisageait inquiet.

Il sourit à sa raillerie, fit les yeux tendre aux sarcasmes et caressa une dernière fois son journal avant de le ranger dans la poche de sa robe de sorcier.
Il se leva d’un bond et tapa sur l’épaule de son voisin pour le rassurer sur sa santé mentale :
"Viaggando, s'impara !° T’inquiète, fit Manny avec son petit accent italien tout en s’étirant, je vais très bien !"
"Tu es sûr, s’inquiéta réellement son voisin, parce que là, t’as pas l’air d’aller très bien, t’as plutôt l’air d'aller en colle… tout le monde te regarde."
Manny regarda à son tour ce « tout le monde » qui regroupait une classe de dizaine d’élèves et un professeur éberlué. Il sourit très satisfait et salua la classe tout en se dirigeant vers la porte.
"Bonne journée tout le monde !
s’élança-t-il heureux. In bocca al lupo !°°"
"Manara ! Manara ! Qu’est-ce que vous faites ? Il est dix-sept heures, le cours ne se termine que dans trente minutes !"
"J’ai un truc à faire, m’sieur ! Salut !"
"Salut ?"

Manny avait déjà refermé la porte derrière lui. Il s’en alla en courant vers l’escalier central et s’engouffra dans les couloirs à la recherche d’un endroit tranquille où Gardens ne le trouverait pas. Les couloirs étaient encore calmes. Désertés. Les derniers cours s’achèveraient bientôt, remplissant Poudlard de ses fourmis étudiantes. Ca lui laissait une petite trentaine de minutes pour profiter de son oisiveté.

Soudain, une brise glaciale qui semblait provenir de nulle ouverture fit se soulever ses cheveux et sa robe avant de les laisser retomber. Le Poufsouffle était persuadé qu’une présence l’observait. Il était persuadé, aussi, que quelqu’un ou quelque chose lui avait tiré les cheveux. Il crut qu’un des fantômes de l’école ou un esprit frappeur lui faisait une blague mais, de nouveau, il se retrouva aussi seul qu’espéré. Il avait peut-être encore rêvé éveillé. Ce n'était pas la première fois que cela lui arrivait. Déjà, en septembre, à la rentrée, puis en octobre, à Halloween, la même impression suivit d'une vague douleur sur le cuir chevelu l'avait déjà envahi.

Il se frotta la tête où il pensait avoir été dépouillé de quelques cheveux et se remit en route sans plus y penser.

Près du BDE, il trouva une salle vide où plusieurs tracts sur le futur championnat des quatre maisons traînaient un peu partout. Il en prit un, s’assit et le parcourut rêveusement. Il se demanda s’il était de ceux qui pourraient représenter sa maison. Dans ses rêves, il pouvait être le héros de tant d’aventures quand, dans la réalité, dénicher ces instants d’adrénalines étaient si difficiles. Alors qu’il ressortait son journal pour y fourrer un des tracts, la porte de la pièce se mit à grincer...
Il chercha autour de lui un endroit où se cacher. La cachette la plus proche mais aussi la plus évidente était une armoire en bois. Il sauta dedans et referma le battant sur lui, le laissant à peine entrouvert pour espionner ce qui se passait dans la pièce.
Il s'aperçut alors qu'il avait oublié son journal sur la table :
"Cazzo ! râla-t-il tout bas, quel âne !" Mais il était trop tard pour retourner chercher son journal. La porte de la pièce s'ouvrait.


° Les voyages forment la jeunesse.
°° Bonne chance.
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Loevi Leroy
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MessageSujet: Re: Les voyages forment la jeunesse   Les voyages forment la jeunesse Icon_minitimeJeu 3 Déc - 13:10:25

Miracle. Comment appeler autrement l'idée farfelue de ce prof de les lâcher en avance ? Il restait encore près d'une demi-heure de cours, mais ça n'avait pas l'air de lui importer beaucoup - ou peut-être y avait-il une raison cachée à ce brusque renvoi d'élèves de la salle de classe ? Loevi n'allait certainement pas chercher plus loin. Elle était libre, pour l'instant, et c'était à peu près tout ce qui comptait. Cette journée avait été longue, trop longue. Comme toutes les autres depuis son retour à Poudlard. Après un an d'absence - pour ne pas dire de fugue... - elle avait du mal à reprendre le rythme scolaire. Elle y était pourtant bien obligée, sans quoi elle finirait une fois de plus dehors, et cette fois sans grand espoir de pouvoir obtenir un jour un diplôme plus important que ses BUSE obtenues de justesse.

La jeune fille rangea ses affaires dans son sac et sortit sans précipitation, indifférente aux bavardages qui fusaient autour d'elle, chaque élève y allant de sa théorie sur cette subite lubie professorale ou débattant futilement sur le prochain tournoi ou mille autres choses qui n'éveillaient aucun intérêt en elle. Elle s'éloigna de ses camarades sans un mot. Elle avait toujours eu des difficultés à être proche de qui que ce soit, mais c'était pire depuis son retour. Elle ne savait pas trop si c'était eux qui l'évitaient ou l'inverse, mais elle sentait qu'un épais mur s'était construit, l'empêchant d'aller vers eux, de tenter la moindre approche.

Un monde la séparait de ses contemporains, à présent. Elle y était pour beaucoup, bien sûr, pas la peine de se voiler la face. Mais il fallait aussi en rejeter la faute sur sa famille. Sans cette foutue dynastie, sa vie aurait été tellement plus simple...

Fut un temps, elle aurait pu verser quelques larmes à la simple pensée de tout ce qu'elle avait vécu et des malheurs qui s'étaient abattus sur elle. Aujourd'hui, elle ne se sentait plus capable d'éprouver la moindre émotion en dehors d'une intense lassitude. Elle était vide. C'était sans doute le résultat auquel son père avait voulu aboutir, du temps où elle était encore sous son emprise. Dire qu'il y était arrivé au moment même où elle s'était libérée de lui... Etait-ce à ce prix seulement qu'elle avait pu obtenir sa liberté ? A se demander qui était gagnant, dans cette histoire. La dynastie, sûrement. Elle finirait probablement par retourner ramper devant son père, en fin de compte. Parfois, elle songeait que ce qui la retenait de rentrer au manoir était de la simple obstination. Sa vie était déjà foutue, après tout.

Elle avait envie - besoin - d'être seule. Dans ces couloirs, elle risquait toujours de croiser quelqu'un : un professeur était bien tombé sur elle alors que l'aube se levait à peine, il y avait un mois de ça. Elle avait risqué gros, cette fois-là. C'est que, à la moindre incartade, elle risquait un renvoi définitif. Aucun rapport avec la situation actuelle, par contre. Ses pensées dérivaient, signe de fatigue. Elle poussa la première porte venue et entra silencieusement dans la salle vide avant de refermer derrière elle dans un léger grincement terminé par le déclic de la clenche. Elle poussa un soupir en regardant la salle. Elle avait cru un moment qu'il y avait déjà quelqu'un, mais seul des tracts dispersés étaient visible. Elle soupira.

D'un mouvement sec, Loevi se débarrassa de son sac qu'elle laissa tomber près de la porte, et s'avança vers une table où elle s'assit après avoir pris un tract. Le Tournoi des Quatre Maisons. Allons bon. On ne parlait presque plus que de ça autour d'elle, mais elle essayait toujours de ne pas y prêter d'attention. D'une part, il était impensable qu'une catastrophe ambulante comme elle soit choisie comme représentant des Poufsouffle - à moins de vouloir causer des ennuis aux autres champions, voire à l'école entière. Le Choixpeau n'était quand même pas si fou. D'autre part, elle avait cessé de supporter sa Maison - et en avait perdu le droit - le jour où elle avait fugué. Adieu donc la folie des stades et l'exubérance des cheerleaders dont elle s'était faite un temps la capitaine. Pas d'ovation pour elle non plus. Rien de nouveau, en somme ; elle s'était déjà interdit d'assister à tout match de Quidditch qui aurait pu avoir lieu.

Mais alors pourquoi ressentait-elle cette intense déception ?


-Et merde... murmura-t-elle en français. Foutue vie...

Et foutue dynastie.

Elle jeta le papier, lequel voleta paresseusement jusqu'au sol. Elle avait enfoui son visage entre ses mains avant qu'il ne touche sans bruit les pierres. Cette fois, elle avait envie de pleurer, mais les larmes ne couleraient pas plus aujourd'hui que la veille.

A nouveau, elle eut l'impression diffuse qu'elle n'était pas tout à fait seule dans la salle. Elle se releva d'un bond et regarda autour d'elle, fronçant les sourcils.


-Il y a quelqu'un ? Je sais que vous êtes là, montrez-vous.

Et s'il n'y avait personne, eh bien, elle aurait l'air ridicule et puis c'est tout.


Dernière édition par Loevi Leroy le Mar 8 Déc - 22:27:24, édité 1 fois
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Manny Manara
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MessageSujet: Re: Les voyages forment la jeunesse   Les voyages forment la jeunesse Icon_minitimeMar 8 Déc - 15:40:04

Coincé entre un balai et une étagère posée de travers où pourrissaient de vieux parchemins qui sentaient le renfermé, Manny eut l’idiotie de se visualiser à l’instant T, là, à genoux dans un placard, la rétine collé dans l’entrebâillement de la porte, à essayer de fuir âme qui vive. C’était idiot car maintenant il avait l’impression d’avoir perdu d’un coup 90% de l’estime qu’il se portait.

"Qu’est-ce que je fous là ? C’est qu’une élève..." murmura-t-il pour lui.

La décision de sortir de son placard pour faire connaître sa présence impliquait une chute à -110% de son orgueil. Ca passerait facilement à -1000% si la fille venait à découvrir par elle-même qu’il se cachait là. Il n’y avait pas à rechigner. Il devait sortir. L’injonction de la jeune fille lui donnait l’impression d’être un voyeur alors qu’après tout c’était elle qui était venue le déranger. De quoi aurait-il honte ? De sécher ? En plus, il ne séchait pas. Enfin, pas vraiment. Il avait attendu la moitié du cours pour se tirer. Il n’avait strictement rien à se reprocher…
Oui, mais alors pourquoi hésitait-il tant à sortir de sa cachette ?
Il s’en sortirait avec une pirouette. Comme d’habitude.

Avant d'ouvrir le premier battant, Manny prit une pleine bouffée de l’oxygène moisie de l’armoire avant de se jeter à l’eau. Le grincement que fit la porte de l’armoire lui donna l’impression d’accentuer encore plus le ridicule de la scène. Il fallait qu’il s’y prenne élégamment, qu’il salue la jeune fille…

'ah, mais c’est Loevi, vit-il, elle est de ma maison… ça ne m’arrange pas. Elle va aller raconter à tout le monde que Manny, quand il est seul, il se cache dans les placards des salles de cours. Quoique non, Loevi est distante avec tout le monde. Je ne l’ai jamais entendu répandre de racontars sur qui que ce soit.'

L’élégance, ne fut pas au rendez-vous. Le balai perdit son équilibre et tomba sur le dos de Manny, surpris, qui sursauta au moment de passer son deuxième pied en dehors de l’armoire. Le pied se prit dans le rebord du meuble et le Poufsouffle tomba à la renverse, la tête en avant. Paf, sur le torse. Le souffle coupé, il tenta de se relever mais le lacet de sa chaussure restée dans l’armoire s’accrocha à un clou qui dépassait, déséquilibrant l’étagère branlante qui vomit son amas de parchemins poussiéreux sur la tête de Manny.

"Grrrr… aïe"
, geignit-il misérablement en se retournant sur le dos avant de lâcher un torrent de gros mots italiens que ne sauraient souffrir de chastes oreilles.

Enseveli sous son tombeau littéraire, le maladroit Poufsouffle ne bougea plus. Foutu pour foutu, il mit son orgueil au placard (ah ! ah !) et leva sa main en direction de Loevi, en râlant :

"Tu vas me regarder crever ou tu vas finir par m’aider à me relever ? Je crois que je me suis cassé un truc…"

Un garçon qui se fait mal quelque part s’est forcément cassé un truc. Dès lors qu’un bobo intervient dans une situation, tout prend des ampleurs dramatiques. Se couper le doigt avec un coin de parchemin ? "Je vais mourir !" Se taper le doigt pied dans une table ? "On va m’amputer ! Je ne pourrais plus jamais jouer au Quidditch ! Mamaaaan qu’ai-je fais pour souffrir autant ! Snif." Ne pas s’y fier. C’est juste pour attirer l’attention, se faire plaindre et qu’on s’occupe de nous. Manny ne dérogeait pas à la règle. Il en fit même un peu plus que d’habitude pour tenter de faire oublier qu’il venait de se ridiculiser doublement. Avec un peu de chance, elle oublierait sa fulgurante sortie en s’appesantissant sur son sort.

'Très peu de chance, Manny. Rêve pas. Essaye plutôt l’humour, ça devient dramatique là...'

Quand Loevi fut en vue, Manny ne se leva pas, il dégagea quelques parchemins mais ne baissa pas sa seconde main qui quêtait celle de Loevi.
Cependant son expression changea en un quart de seconde. Il souriait comme un singe. Le coup du chien battu serait pour une autre fois. Il valait mieux en rire qu’en pleurer. Il trouverait bien le moyen de racheter son orgueil autrement.

"Je t’assure, j’ai mal… ça doit pas être très grave mais j’ai mal."
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MessageSujet: Re: Les voyages forment la jeunesse   Les voyages forment la jeunesse Icon_minitimeMar 8 Déc - 22:29:09

Ignorant tout des débats intérieurs qui agitaient l'individu caché dont elle sentait toujours confusément la présence, Loevi attendait en silence, regardant autour d'elle avec méfiance. Soit elle rêvait éveillée, et elle n'aurait plus qu'à blâmer la psychose familiale pour cet accès de paranoïa, soit il y avait effectivement quelqu'un, auquel cas elle pouvait s'attendre à tout de la part d'une personne qui espionnait et refusait de l'avouer. Mais où pouvait-elle bien se dissimuler ? Un grincement inopiné la fit soudain sursauter ; elle avisa enfin dans un coin de la pièce l'armoire entrouverte, d'où émergea une silhouette brusquement projetée en avant.

Prise de court, Loevi poussa un hurlement de surprise en reculant d'un bond, se cognant au passage à la table d'où elle s'était relevée. Elle plaqua vivement ses mains sur sa bouche en reconnaissant à contre-temps un élève de sa Maison, mais la chute d'un balai, d'une l'étagère et d'une flopée de parchemins sur le dos du garçon en question lui tira des tressaillements et d'autres cris, plus modérés, comme si elle se prenait les chocs à sa place. Puis il y eut un moment de latence où elle n'osa ni bouger ni prononcer un mot, et où le Poufsouffle, qui avait roulé sur le dos, paraissait se remettre de ses émotions. Elle voulut lui demander s'il allait bien, mais son propre souffle était devenu chaotique suite à cette brève décharge d'adrénaline.

Finalement, le garçon leva un bras vers elle ; allongé comme il l'était, il devait lever les yeux pour espérer la voir, encore que les tables et chaises lui bouchaient la vue aussi sûrement que celle de la jeune fille. Il lui lança quelques paroles agacées, du genre qu'aurait pu lui jeter Mark à la tête s'il avait été encore en vie... mais qui n'aurait pas grommelé en essuyant un tel crash ? Surtout si, en effet, il s'était cassé quelque chose au passage - ce qui semblait peu probable, mais pas pour autant impossible. Mal à l'aise, indécise et inquiète, Loevi s'approcha de quelques pas, pour pouvoir au moins voir le visage de l'élève du placard et s'assurer qu'elle ne s'était pas trompée. Non, il s'agissait bel et bien d'un Poufsouffle, qui se fendit d'un large sourire en la voyant apparaître.


-Je t’assure, j’ai mal… ça doit pas être très grave mais j’ai mal.

Derrière ses mains, Loevi ne put s'empêcher de sourire à son tour ; elle aurait presque pu rire, ce qui ne lui était plus arrivé depuis, oh... très longtemps. Il n'y avait pas mieux que ses camarades de Maison pour s'amuser d'une chute si catastrophique - d'autant plus lorsqu'elle survenait après avoir été surpris à se cacher dans l'armoire poussiéreuse d'une vieille salle de classe abandonnée. Elle avait toujours aimé sa Maison.

Reprenant contenance, elle se précipita à côté de lui et dégagea le reste des parchemins avant de s'agenouiller pour l'aider à se redresser. Il n'en avait certainement pas besoin, mais elle était malgré tout toujours inquiète ; il disait avoir mal, après tout. Ce pouvait n'être qu'un bleu, comme ce pouvait être plus grave. On n'est jamais trop prudent.


Où as-tu mal ? demanda-t-elle avec douceur.

Elle n'avait jamais réellement appris à être douce - bien que, apparemment, celui lui fut naturel lorsqu'elle était plus jeune - et, en tout cas, elle n'avait guère eu l'occasion de l'être depuis son départ précipité d'Angleterre. Elle ne s'expliquait pas non plus ce besoin qu'elle avait ressenti d'intervenir dans la vie de ce garçon, d'entrer dans sa bulle personnelle, ou de lui ouvrir sa propre bulle, même pour un instant. Etait-ce parce qu'il avait dit avoir mal ? Ou parce qu'il lui avait souri de cette manière ? Elle aurait aussi bien fait de s'excuser de l'avoir déranger puis de s'éclipser sans demander son reste ; cela ne demandait pas plus d'elle-même qu'elle n'était prête à en donner. Elle serait partie et les choses en seraient restées là.


-Tu as fait une sacrée chute... ajouta-t-elle avec une légère hésitation.

Elle le lâcha enfin et se recula légèrement, s'adossant à une table, bras autour des genoux. Une part d'elle-même, celle qui avait pris le contrôle de sa vie après sa fuite désespérée, lui ordonnait presque de se lever sur l'instant, et de sortir tant de la salle que de la vie du jeune homme. D'échapper à ce sentiment de gène qui naissait en elle, au contact d'un garçon autre que son défunt cousin. Une autre, la Poufsouffle sans doute, la suppliait de conserver quelques instants de calme dans cette pièce, en compagnie de ce garçon avec qui elle n'avait jamais fait connaissance, même du temps où elle avait été nommée préfète - un travail qu'elle avait été loin d'effectuer à la perfection. De se sortir de cet abysse de désespoir dans lequel elle s'était presque volontairement jetée.

A tout le moins, elle pouvait déjà savoir une chose, histoire que sa conscience, la seule chose que ses deux avis contraires partageaient toujours, soit tranquille. Où il s'était fait mal, et :


-Je peux faire quelque chose pour toi ?

Me laisser tranquille. Ça ne sonnait pas si mal...
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Manny Manara
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MessageSujet: Re: Les voyages forment la jeunesse   Les voyages forment la jeunesse Icon_minitimeLun 14 Déc - 19:25:22

Les bras secourables l’aidèrent à redresser la situation. Loevi s’écarta presque aussitôt en allant s’adosser aux pieds d’une table derrière eux. Manny, quant à lui, resta sur ses tibias. Sa tête pendait en avant entre ses deux épaules tandis que ses deux mains ancrées sur le sol, de part et d’autres de ses genoux, lui permettait de supporter le poids de son buste. Sans mouvement brutal (de toute façon il en était actuellement incapable), il réapprenait à ses poumons la ventilation. Il avait l’impression non pas d’être tombé sur le ventre mais d’avoir été percuté par une armada d’hippogriffes furax.

"Où as-tu mal ? Tu as fait une sacrée chute."


Incapable de parler plus encore sans faire souffrir son abdomen, Manny prit toutefois appui sur son dextre pour qu’il récupère tout le poids de son côté droit pendant que sa main gauche lui désigna son torse puis son menton. Il reposa d’un coup sa main sur sol pour recouvrer sa position précédente, celle qui, pour l’instant, le soulageait le plus.

Son souffle ne tarda pas à revenir et la douleur sur sa poitrine à s’en aller. Ce qui n’était pas le cas de celle au menton. Quand il put respirer sans effort, il se redressa et passa sa main sur son visage où il sentait que ça le brûlait. Il présenta sa main devant ses yeux. Un peu de sang. Pas grand-chose. A tâtons dans sa poche intérieure, il chercha sa baguette et la pointa sur un coin de sa robe noire. Un bref filet d’eau clair coula dessus. Il pressa le tissu sur son menton tout en relevant les yeux sur Loevi :

"Je peux faire quelque chose pour toi ?"

Manny haussa les sourcils en faisant semblant de chercher une réponse :

"Si. Un bisou et des excuses pour m’avoir fait peur, ça serait pas mal", sortit-il avec son plus bel accent italien. Les stéréotypes ont toujours fait sourire or cette fille-là paraissait bien plus choquée par la cascade que l’était Manny. Lui voler un sourire aiderait à dédramatiser la chute.

Il laissa planer trois secondes pour creuser le doute avant de sourire derechef :

"Je rigole. Ca va, plus de peur que de mal."

Il adopta la même position que Loevi, bras autour des genoux en moins car ses deux mains étaient occupées. Il s’adossa donc contre une autre table, bien en face d’elle, la main droite qui pressait toujours sa blessure au menton et l’autre qui rangeait sa baguette.

Alors qu’un joli silence mit un point final au chapitre cascades en folie, Manny en profita pour observer Loevi. De mémoire, bien qu’ils fussent à un peu plus d’un mètre l’un de l’autre, il ne l’avait jamais observé d’aussi près. Comme tout était calme et que ni elle ni lui n’avaient rien à faire ici, il dévolue cet instant de silence à un bref état des lieux

‘Je la connais pas du tout.’


Un léger froncement de sourcils. Primo, Manny manquait de manières bienséantes en ce qui concernait les filles et il avait oublié qu’il valait mieux éviter de les observer trop longtemps sans parler si on ne voulait pas provoquer un déluge de pensées paranoïaques. Pour le coup, c’est lui qui rougit car, secundo, il avait oublié qu’elle était une fille. Or, l’idée d’un lui, seul en présence d’un être humain du sexe opposé, provoquait toujours en un premier temps une poussée subite de rougissements.

‘Il est beau mon cliché italien dragueur.’


C’était le juste moment pour cesser de la dévisager. Il se réfugia dans ses pompes qui constituaient à elles seules un magnifique alibi : ‘oh ! Génial, mon lacet est défait.’
Il lâcha sa robe de sorcier - le sang avait arrêté de couler-, pour refaire son lacet. Ne pas la regarder était le moment le plus propice pour poser une question. Et comme, tertio, Manny ne maniait pas son réseau social avec le plus grand tact, il dit de bute en blanc :

"Loevi Leroy. Tu es la pire préfète que Poufsouffle ait jamais connue…
Les voyages forment la jeunesse 834572 "

Loin d’être jeté comme une critique, la remarque était une observation maladroite de l’italien. Dans la bouche de Manny, ça chantait avec la même gaité qu’un ‘Salut ! Enchanté de te connaître ! Comment ça va ?’

Sa phrase n’était pas terminée et, sans même la regarder de nouveau mais avec en mémoire l’image indéfectible de ce qu’il venait de piocher en elle pendant qu’il l’avait observé un peu plus tôt, il renchérit avec la même maladresse touchante qui caractérise les ignorants :

"C’est fou le nombre de choses qui ruissellent dans ton regard alors que tout ton corps donne toujours l’impression de vouloir être ailleurs."

Ca lui rappelait quelqu’un dont on lui avait souvent parlé en ces termes : lui. Quand il rêvassait. Bien que pour dire vrai les mots étaient exactement le contraire de ceux-ci - regard vide et sombre, corps statique -, il ressentait en elle, la même chose qu'il ressentait en lui. La négation de ce qui nous entoure. Sauf que Manny aurait mit son bras à couper qu’elle ne rêvait pas et qu'elle était dix fois plus mélancolique que lui ne l'avait jamais été. Pour lui, l'état était passager. Pour elle, c'était une sorte de constante.
La vie intérieure de Loevi devait être beaucoup plus intense que ne le laissait supposer l’état de l’enveloppe. S’il avait pris le temps de la connaître, de la regarder mieux avant son étrange disparition de l’école, aurait-il su dire si elle avait changé ? La question ne se posait pas vraiment. On a parfois beau être physiquement proche de l’orbite de certaines personnes que l’écart imposé par les modes de vie ou la vie elle-même efface malgré tout la proximité et multiplie les distances.
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MessageSujet: Re: Les voyages forment la jeunesse   Les voyages forment la jeunesse Icon_minitimeSam 19 Déc - 10:30:52

Mis à part une petite blessure sur le menton sur laquelle il pressait déjà un pan de son uniforme imbibé d'eau et les douleurs qui résulteraient de l'incident, le Poufsouffle semblait aller bien ; il avait récupéré son souffle et, s'il plaisantait, c'est qu'il s'était bien remis. Elle leva les yeux au ciel, amusée, en l'entendant quémander un bisou et des excuses, et sourit légèrement lorsqu'il ajouta qu'il s'agissait d'une plaisanterie. Face à n'importe qui d'autre, sans doute, elle se serait stupidement vexée et aurait saisi l'occasion comme prétexte pour s'éclipser. Après tout, il n'avait clairement pas besoin d'elle.

Oui, mais, pour la première fois depuis longtemps, elle se trouvait avec quelqu'un qui se comportait normalement avec elle et, surtout, elle se sentait bien avec lui. En l'espace de quelques facéties, il avait su la mettre à l'aise. Ce n'était pas donné à tout le monde. Son sourire s'accentua lorsque le garçon se mit soudainement à rougir avant de détourner son regard. Quand avait-elle provoqué ce genre de réaction pour la dernière fois ? Cela paraissait remonter à une autre vie.

Elle déchanta pourtant très vite... Il savait parfaitement qui elle était, il se souvenait surtout très bien de la catastrophe de sa préfecture bâclée, deux ans plus tôt. Elle avait été préfète, et donc connue de toute sa Maison, d'accord, mais cela semblait l'amuser, lui - pas elle. Elle allait lui faire part de sa façon de penser - et le laisser là sans autre forme de procès - mais il n'en avait pas tout à fait fini...

Ce qu'il ajouta acheva de la pétrifier. Ses yeux... ? Ce qui ruisselait dans son regard, comme il disait, ne regardait qu'elle et elle seule. Et ce que disait son corps... pareil. De quel droit... ?

Elle se releva brusquement, se cognant le dos à la table dans son mouvement ; mais, stupéfiée par ce qu'elle venait d'entendre, elle y fit à peine attention. Elle bouillonnait de colère, il lui fallait partir au plus vite, sans quoi les choses risquaient de mal tourner. Aussi bien à cause de son humeur que de ses pouvoirs qui n'obéissaient qu'à la loi du chaos. Oublié le calme, oublié le bien-être de quelques minutes de paix intérieure. Il n'y avait pas de paix pour elle.

Toujours... C'était comme s'il avait passé son temps à l'observer.


-Tais-toi, fut la seule chose qu'elle trouva à dire. Tu ne sais pas de quoi tu parles.

Elle se posait en victime, elle jouait sa martyre, oui. Mais elle n'avait pas tellement le choix. Quand on avait vécu une vie telle que la sienne, les malheurs des autres devenaient vite insignifiants, et il devenait vite impossible de se débarrasser des siens ; ils vous tournaient dans la tête comme un inépuisable tourbillon d'horreur. Elle en était lasse. Lasse de cette vie, lasse de tous ces souvenirs qui la hantaient sans fin. Il ne pouvait pas comprendre.

-Ne fais pas comme si tu pouvais comprendre... murmura-t-elle.

Elle lui tourna le dos et s'engagea entre les tables, crispée dans son accès de rage - ou ce qui pouvait y ressembler, mais ne pouvait porter ce nom. Elle récupéra son sac au passage et se dirigea vers la porte, dans l'intention de quitter la pièce. Ce qu'elle n'avait pas prévu, c'était que ce carnet en peau de dragon abandonné sur une table attire son attention et la détourne de son but premier. Il n'était pas non plus dans ses habitudes de prendre quelque chose qui ne lui appartenait pas, même un objet oublié, même pour regarder le nom de son propriétaire afin de le lui rendre, mais c'est pourtant ce qu'elle fit.

Elle prit le cahier et l'ouvrit, au hasard.

Elle reconnut aussitôt dans les mots accolés les uns aux autres sur les pages une plume d'artiste - ou, en tout cas, une plume d'évasion. Elle savait les reconnaître. Elle en avait usé, autrefois, avant que son passé ne la rattrape définitivement. Elle sentait sous les phrases jetées là des vérités qui, cachées, ne demandaient qu'à se révéler pour l'esprit attentif. Elle prit conscience qu'elle bafouait un interdit. Elle referma vivement le carnet et le montra au Poufsouffle.


-C'est à toi ? Manny Manara. C'est le tien ?

Sa voix contenait encore un pointe d'agressivité, mais on sentait bien que la jeune fille s'était calmée ; du moins, qu'elle repoussait sa colère de son mieux. La vérité était que ce qu'elle avait lu avait réveillé en elle d'autres souvenirs, plus douloureux parce que teintés d'un semblant de joie, d'une découverte de l'ombre du bonheur, et qu'elle en avait brusquement éprouvé un sentiment de perte, comme à l'époque de la mort de son cousin, comme si on l'avait privé d'une part importante d'elle-même.

Ce qui était le cas.
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MessageSujet: Re: Les voyages forment la jeunesse   Les voyages forment la jeunesse Icon_minitimeSam 19 Déc - 12:28:02

La spontanéité bouscule la raison et l'écrase comme une branche rassie par le temps. Manny ne se rendait pas compte de la portée des quelques mots qu'il venait de lâcher. Il avait parlé, comme d'habitude, à l’instinct, sans préméditer les conséquences de l'usage d'une telle liberté, d'un tel relâchement des frontières qui préexistent entre la pudeur et la latitude qu'induit ordinairement la découverte d'une personne et l'apprentissage de sa connaissance.

Comme il n'était pas un méchant garçon, il n'avait aucune conscience de pouvoir blesser rien qu'en parlant ses pensées. Et il en eut si peu conscience, que lui-même, stupéfait par un tel changement de comportement de Loevi, se braqua et contesta silencieusement la réaction de la jeune fille.

'Je n'ai rien fait de mal, n'est-ce pas ?'
se demandait-il en la voyant se lever et partir.

Surpris, il restait assis un moment sans comprendre. Elle avait parcouru la moitié de la pièce quand il se leva enfin. Il voulait dire quelque chose mais aucun mot ne sortait. Aucun mot ne sortait parce qu'il ne voyait pas ce qu'il y avait à dire, ce qu'il avait mal fait ou mal dit. L'aurait-elle pris au mot pour la blague sur la préfecture, alors le mieux pour eux deux serait de couper court dès maintenant à cette petite entrevue impromptue. Il n'avait pas encore connaissance des rouages complexes de l'esprit féminin et quand ça devenait compliqué, il s'éclipsait. Fran lui avait depuis longtemps fait savoir que lorsqu'une fille ne va pas bien, si l'on soupçonne que le mal vient de soi et que 'soi' est de sexe masculin, le mieux est encore de prendre le large pour ne pas envenimer la situation. "Et surtout si c'est toi Manny. Tu es encore trop macho pour nous comprendre."
C'était quoi ces conneries ? Il y avait une caste de ceux qui ont le droit de comprendre les filles, d'insister, de leur parler, d'argumenter intelligemment avec elles de ce qu'on pensait et il y avait les autres, ceux qui étaient "trop machos" ou "trop immatures" pour comprendre et qui devaient se résoudre à la fermer pour ne pas empirer la situation ?

C'était gagné. L'indignation montait en Manny. Il était debout et il la regardait partir sans rien trouver à dire pour la retenir parce qu'il ne savait pas s'il avait envie de la retenir, ni s'il en aurait le pouvoir et, apparemment, c'était un pouvoir dont il n'aurait pas usé s'il avait été certain de le détenir.

'Qu'elle s'en aille si elle pense que je suis trop stupide pour comprendre.'

Mais elle ne s'en allait pas. Elle s'était arrêtée à la table où il avait été assis avant qu'elle ne débarque dans la pièce. Elle venait de saisir son journal, elle l'ouvrait sans gêne, et lisait sans gêne.

Manny les considéra ex aequo… voire, elle le battait sans doute à plate couture. Une pointe de colère affleura en lui au moment où il comprit qu'elle lisait son journal. C'était un viol en direct. Elle entrait dans son âme sans frapper. Il prit le geste comme une attaque sanglante. D'un coup d'œil, elle déchirait l'hymen qui les séparait de son monde secret. Comme si on lui volait sa virginité sans avoir eu jamais l'occasion de l'offrir. Or, ça ne se donnait qu'une seule fois ces choses-là, c'était le partage d'une seule fois dans une vie. Jamais il n'avait laissé quelqu'un lire ses histoires ou sa mémoire. Sur quelle partie de son âme était-elle donc tombée ? L'avant ou l'après divorce ? Les pensées confuses d'un enfant crédule ou les récits dramatiques et stupides d'un adolescent confiné dans le jus noir de ses chimères clandestines ? Il se sentit plus vulnérable qu'une fille dont on escroquait la naïveté. Oh ! Il existait une loi implicite qui interdisait aux gens de lire le journal d'autrui. Il n'en existait aucune qui interdisait de dire ce que l'on pense des autres. Au contraire, se taire sur ses pensées était appelé hypocrisie or l'hypocrisie était catalogué au chapitre "pas bien" du petit manuel du parfait manichéen.

Il se sentit démasqué, déshabillé, nu. Lui, il avait interprété ce qu'il croyait lire dans son regard, elle, elle n'avait pas besoin d'interpréter, elle avait arraché sa confession à l'auteur.

Manny sortit sa baguette et jeta un sortilège d'attraction à l'ouvrage en peau de dragon. Lorsqu'il l'eut en main, ses yeux braqués sur Loevi étaient sombres, ses sourcils froncés frétillaient, il était sur le point d'avoir des mots violents, de ceux qu'on regrette peut-être un jour si on n'attend pas un peu de les calmer avant qu'il franchissent le pas de nos lèvres. De toute manière, son cœur chamboulé n'était plus accordé à ses pensées et à son verbe. Il était incapable de prononcer une parole qui fût rationnelle.

Il ne répondit pas à Loevi. Sa réaction le faisait pour lui.
Encore aveuglé par ce qu'il avait assimilé à une violation de sa vie privée, Manny ne remarqua pas que l'agressivité dans la voix de Loevi avait décrue.

Il traversa la classe à son tour, passa à côté d'elle sans lui adresser un regard, quelques pas durant lesquels sa colère épidermique se transforma en une profonde déception, une désillusion de plus. Dos à elle, une main appuyée sur le chambranle de la porte qu'il pressait à en ressentir la moindre anfractuosité, la moindre écharde ou rainure, l'autre qui pressait nerveusement son journal contre son cœur comme pour l'y faire entrer de force, disparaître pour n'être plus jamais lu par personne, Manny lui dit à voix basse, sur un souffle désenchanté :

"On croit que, mais finalement, c'est rien que du vent… les autres, c'est du vent. On est tout seul et c'est mieux comme ça. Excuse-moi de... de..."

Il ne savait pas de quoi il était fautif et ses excuses n'avaient que trois points de suspension pour conclusion. Il sourit pour lui, c'était idiot d'essayer de s'excuser quand on ne comprenait pas sa faute, il lâcha le chambranle de la porte et sortit.

Ses pas ne le guidèrent pas très loin. Il s'adossa à côté de la porte, dans le couloir, à la sortie de la pièce et se laissa glisser contre le mur. Sa main tenait toujours son journal, son cœur battait comme s'il était passé à côté d'un très grand danger, il croisa ses bras sur ses genoux et y enfonça sa tête. Il ne comprenait pas plus l'altitude de sa réaction viscérale que l'agressivité blessante de Loevi car, dans le fond, c'était tout le courage qu'il espérait un jour avoir… faire lire ce journal à quelqu'un, arrêter de voyager en solitaire.
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MessageSujet: Re: Les voyages forment la jeunesse   Les voyages forment la jeunesse Icon_minitimeSam 19 Déc - 16:13:20

Le carnet s'envola brusquement de sa main pour rejoindre celle, crispée, de Manny Manara. Elle se pétrifia, soudain remplie de crainte. Les yeux du Poufsouffle flamboyaient, ses muscles semblaient se tendre pour l'empêcher de réagir - cette fureur-là n'avait rien de commun avec celle, indignée, qui étreignait Loevi deux minutes plus tôt. Non. Une pensée sournoise lui chuchota que, s'il avait été Serpentard, elle serait déjà étendue sur le carreau. Elle le croyait volontiers.

Elle avait eu le sentiment d'avoir enfreint un tabou mais, pour lui, c'était visiblement plus que ça.

Il s'avança soudain dans sa direction et elle frémit, certaine qu'il allait la frapper, ou du moins l'intimider - elle était déjà à point. Elle s'écarta instinctivement d'un pas sur le côté, s'attendant à recevoir la première injure ou le premier coup ; mais Manny passa près d'elle sans lui accorder la moindre attention, comme si elle ne comptait plus, pas plus qu'une pierre griffée sur l'un des murs. Loevi resta là, perplexe, à mi-chemin entre sa peur encore vive et l'incompréhension que suscitait en elle cette réaction inattendue.

Pourquoi ne faisait-il rien ? Pourquoi s'en allait-il aussi calmement ? Elle avait vu ses prunelles flamber d'un feu qu'elle-même aurait eu du mal à contenir, elle l'avait vu se retenir pour ne rien faire, rien dire, qu'il aurait pu regretter par la suite, même s'il en venait à ne jamais le regretter.

Pourquoi devait-elle toujours provoquer les larmes, la colère ou la haine chez autrui ?


-On croit que, mais finalement, c'est rien que du vent… les autres, c'est du vent. On est tout seul et c'est mieux comme ça. Excuse-moi de... de...

Elle allait pour s'excuser, consciente d'avoir fait une erreur qu'il ne lui pardonnerait sans doute pas, mais ces paroles lui coincèrent les mots au fond de la gorge. Parce que, quelque part, elle y entendait un écho de ses propres pensées. On est tout seul et c'est mieux comme ça... N'était-ce pas ce qui l'avait menée là, au bord du gouffre où elle hésitait encore à se laisser tomber ?

Elle eut soudain la désagréable impression d'être seule, comme un bref courant d'air dans le dos, et se retourna brusquement pour le retenir - pour lui dire quoi ? Il n'était déjà plus là. Il était parti, la rage au cœur, peut-être plongé dans un abîme de détresse dont elle ne soupçonnait pas la profondeur. Non, elle se faisait des idées, ce n'était qu'un bref accès de colère, parce qu'elle avait touché à quelque chose qui lui appartenait sans sa permission. Il lui en voudrait, une semaine, un mois, une année peut-être, et comme il le disait si bien, chacun dans son coin, ils s'en porteraient aussi bien...

Voilà ce qui la dérangeait. Tout seul et c'est mieux comme ça... Non. Elle ne pouvait pas le laisser comme ça, surtout si c'était à elle qu'on le devait. Ce sentiment ressemblait trop à cette douleur qu'elle ressentait pour ne rien faire. Il fallait au moins qu'elle s'excuse ; même si elle n'espérait aucun retour de sa part, elle voulait faire de son mieux pour lui remonter un tant soit peu le moral.

Dresser un mur entre soi et les autres ne veut pas dire les blesser.

Reprenant ses esprits, elle se rua sur la porte et surgit comme une furie dans le couloir. Elle regarda à droite et à gauche, poussée par l'urgence ; elle s'attendait bien sûr à ne pas le trouver en vue, mais pas à ce que cela la frustre à ce point. Elle avait simplement compté lui courir après, si elle l'apercevait, ou renoncer, mais elle découvrait qu'elle voulait faire plus. Peut-être avait-elle été trop longtemps coupée du monde, peut-être souhaitait-elle, au fond, reprendre une place dans u monde qui la rejetait et qu'elle rejetait... Mais par où aller ? Que faire ?

Elle baissa les yeux, déçue, attristée ; elle ne se comprenait plus, plus vraiment. Un bruit faible derrière elle la fit brusquement se retourner, et la surprise la cloua sur place : il était là, prostré contre le mur, le visage caché entre ses bras croisés. Son intuition ne l'avait pas trompée - elle avait touché un corde sensible dont elle n'avait pu - n'aurait pu - soupçonner l'existence.


-Je suis désolée, souffla-t-elle en se laissant tomber à genoux près de lui. Je ne savais pas ce que c'était, je te jure, je ne savais pas. Je n'avais pas l'intention... Je... Je n'aime pas fouiller, je... Tu as le droit de m'en vouloir, tu peux même...

Elle était déjà en train de chercher quelque chose au fond de son sac - son petit carnet pourpre, peut-être ? - avant même de savoir ce qu'elle se proposait de lui offrir : une part de ses secrets à elle. Etait-il toujours là, ce faux journal de poèmes sans valeur, si longtemps après avoir cessé d'y écrire ? Il n'y avait pas grand risque, mais elle se prit à l'espérer. Ce serait peut-être là un moyen de se racheter à ses yeux. Peut-être. Elle détestait sa vie ; elle se détestait. Encore aujourd'hui.

-Tiens, lis ça, si tu veux. Il n'est pas très à jour mais il y a beaucoup de choses dedans. Je ne peux pas reprendre ce que j'ai lu alors peut-être que je peux t'en donner un peu en échange...

*Et tu peux bien tout prendre, tout voler... Je n'ai sans doute plus rien à perdre.*
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MessageSujet: Re: Les voyages forment la jeunesse   Les voyages forment la jeunesse Icon_minitimeSam 19 Déc - 17:46:19

Il avait seulement relevé le visage de ses bras pour regarder ce qu'il était censé lire. La torpeur l'avait vidé. Son cou ne tenait pas droit. Imperceptiblement inclinée sur le côté, sa tête lui paraissait légère et lourde en même temps, on aurait dit qu'il était stone, qu'il avait bu trop d'alcool mais qu'il tentait de lutter contre les effets de l'ivresse. Son visage dépassionné exhibait un néant opaque. Il n'avait pas envie de compulser les pages de sa vie, il n'avait pas envie d'être à égalité en lisant quelque chose qui lui aurait été précieux, il n'avait pas besoin qu'elle se rachète, se sente coupable ou s'innocente. La peine qu'on encoure pour ce type de forfait est la perpétuité dans le cœur de celui qui a été offensé. Sauf si… sauf si le plaignant pardonne. Et dire qu'il y avait moins de vingt minutes, tout ce qui comptait était de ne pas passer pour un imbécile. Maintenant il pensait crime, viol, ressentiment, miséricorde, discernement, clémence. Quand était-ce devenu si difficile d'échanger ses points de vue ou d'apprendre à connaître quelqu'un ? Avant, il suffisait d'avoir le plus gros sac de billes, de pisser le plus loin ou d'être le meilleur au football pour se faire des copains. Pas besoin de plus que de tirer les couettes des filles ou de leur chaparder leur goûté pour engager la discussion. Après parades et batailles, on pouvait être amis.

'A peu de chose près, c'est toujours pareil… on ne tire plus les cheveux, on fait des mauvaises blagues, on se dispute et… c'est juste devenu plus compliqué.'

"non è grave"
mentit Manny en repoussant le carnet que lui tendait Loevi. "C'est pas grave", reprit-il en anglais d'une voix lasse.

Il balança sa tête en arrière contre le mur et expira une longue bouffée d'air. Il ferma les yeux parce que dans ces moments les yeux parlent trop et qu'il n'avait pas envie qu'on devine encore la profondeur à laquelle cela l'avait atteint. Peut-être devait-il trouver ce pour quoi lui-même devait s'excuser. Cela n'effacerait rien de ce qui s'était passé mais il avait l'impression que ça se faisait, qu'il le devait :

"Je m'excuse aussi si j'ai dit quelque chose qui t'a blessé. Je ne le voulais pas."

Il resta ainsi prostré, la tête en arrière et les yeux toujours fermés.

"Tu as déjà voyagé ?"
demanda-t-il parce que la question était neutre mais qu'elle l'intéressait pour une raison aussi évidente pour lui que le soleil était jaune et que les coquelicots étaient rouges.

Manny semblait avoir besoin d'encore un peu de temps pour passer à autre chose. Son coeur était à vif et il devait refermer la plaie avant qu'elle pourrisse parce qu'un garçon n'a pas le droit de souffrir. C'est ainsi que son frère Enzo lui avait enseigné l'art d'être un jour un homme : lèvre-toi et marche, même si tu vas de travers, marche.
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MessageSujet: Re: Les voyages forment la jeunesse   Les voyages forment la jeunesse Icon_minitimeSam 19 Déc - 18:57:03

Le visage que Manny releva vers elle était emprunt d'une lassitude si marquée qu'elle en ressentit un pincement au cœur. Elle détestait voir quelqu'un aller mal ; plus encore lorsque c'était sa faute, mais pas seulement. Elle voulait l'aider. Pas seulement parce qu'elle se sentait coupable, mais parce qu'elle était comme ça. Ça ne faisait pas d'elle une fille bien, loin de là, mais c'était elle, et elle apprenait à faire avec.

Il repoussa son carnet, repoussa sa confession maladroite. Il ne voulait pas lui accorder son pardon. Qu'espérait-elle ? Bien sûr, c'était peut-être exagéré pour un simple carnet d'histoires, mais Loevi savait mieux que quiconque à quel point les réactions pouvaient varier d'un individu à l'autre ; ce qui avait compté pour elle, au point de la pousser sur les chemins de la dépression, n'avait jamais paru avoir la moindre importance pour son cousin, qui en jouait avec une cruauté sans égale. Elle avait pénétré un territoire interdit - elle devrait garder sur la conscience ce qu'elle avait provoqué par ce geste irréfléchi.


-Ne t'excuse pas pour ça, murmura-t-elle avec incertitude alors qu'il réclamait à son tour un pardon. Je n'aurais pas dû m'emporter comme ça. Tout ce que tu as dit était vrai, alors...

Il était le premier depuis son retour - et peut-être même bien avant - à s'être penchée sur sa petite personne pour en comprendre quelque chose, le seul à s'intéresser à ce que pouvait cacher son masque de froideur. Et c'était ce qui l'avait terrifiée. Que quelqu'un comprenne. Que quelqu'un sache. Elle en avait assez de vivre dans la peur.

Etrangement, Manny reprit la parole ; d'une voix qui manquait de vie, peut-être, et si lasse qu'elle donnait l'impression de pouvoir s'éteindre à tout instant, mais ces simples mots redonnèrent espoir à Loevi, avec une force qu'elle n'aurait pas imaginée. Il avait repoussé les secrets de sa vie - mais il ne l'avait pas repoussée, elle !

Soudain gênée, elle se mit en devoir de ranger méticuleusement le carnet pourpre au fond de son sac, pour éviter de regarder Manny. Se faisant, quelques pages tournèrent, et elle se retrouva à le parcourir avec nostalgie tout en lui répondant.


-Oui, deux fois... Je suis allée en Afrique il y a peut-être deux ans, et...

Elle s'arrêta. Ce second voyage, cette seconde fugue, pour appeler les choses par leur nom, était ce qui lui valait toutes ces tracasseries administratives, au sein de l'école. Et ce mur impossible érigé entre elle et le reste des élèves.

-Et l'année dernière, j'étais en France. A Paris. J'ai visité le Paris moldu aussi bien que le Paris sorcier, par curiosité. Il y a plein de choses à voir et à découvrir, c'est très intéressant...

Bien qu'en vérité, elle n'ait pas eu beaucoup de temps pour profiter de la capitale, utilisant avant tout son rare temps libre à se familiariser avec la langue qu'elle ne maîtrisait jamais assez bien. Quand elle voyait à quoi tout cela lui avait servi...

-Je... Je crois que j'aime voyager, j'ai envie de voir du monde, de changer de paysage, de ne pas avoir d'attache, changer de coin quand j'en ai assez et découvrir tous les jours de nouvelles choses...

Elle s'emballait, elle en prit conscience. Tout cela ne serait jamais qu'un rêve ; la vie qui se profilait pour elle n'avait rien d'attrayant.

-Excuse-moi, reprit-elle plus calmement. Je rêve tout haut, je t'embête sûrement avec tout ça... Soupir. Et toi, tu as déjà voyagé ?
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MessageSujet: Re: Les voyages forment la jeunesse   Les voyages forment la jeunesse Icon_minitimeMar 22 Déc - 14:50:44

L'Afrique. La terre sauvage par excellence. Manny n'avait jamais douté que parler des voyages éveillerait sa curiosité et laisserait petit à petit s'endormir la fraîche blessure. D'autant plus que Loevi avait prononcé un des mots magiques: 'Afrique.' Deux syllabes qui résonnaient dans le lointain. L'Afrique farouche et douce en même temps. En tout cas, c'était ce que le Poufsouffle s'imaginait. Un pays en dehors du temps où rien n'est comparable avec ce qui peut se vivre ou se voir ailleurs. Coups à coups, accueillante, menaçante, colorée, sombre, brûlante, glaciale, plate, si haute, aride, luxuriante, bestiale, candide… il n'y avait aucun adjectif qui puisse à la fois si bien décrire un pays et un garçon. Manny lui-même.
Il ne connaissait de ce continent que ce que les livres avaient bien voulu lui confier. Quelques photos, quelques reportages à la télévision italienne, des récits de voyages des touristes sur les marchés, il collectionnait les anecdotes sur ce pays avec une exaltation qui confinait à la folie. Il avait le sentiment que là-bas résidait un bout de lui qu'on lui avait peut-être arraché au berceau. C'était le continent de l'aventure, de l'inconnu, de l'indomptable. Un regroupement de pays aussi vieux que le monde et qui pouvait vous aimanter à sa terre orange et ses bestioles par centaines puis, tout à coup, sans prévenir, vous trahir et vous blesser. Loevi avait eu la chance d'y aller. Elle venait, en un mot, de reconquérir l'intérêt du Poufsouffle. Il se rasséréna. Un enthousiasme inqualifiable lui remua les entrailles mais il n'en montra rien pour le moment. Il se contenta de se redresser contre le mur, ses jambes glissèrent sur le sol froid, il les étendit et posa sur ses cuisses, l'objet du conflit, son journal. Ses yeux étaient de nouveaux ouverts, mais il refusait toutefois de regarder sa voisine.

Il écouta attentivement tout ce qu'elle dit ensuite. Paris. Un autre mot magique. Cette fois il esquissa un léger sourire et il la regarda du coin de l'œil sans pour autant tourner sa tête.

Elle paraissait ressentir les voyages comme une délivrance, une échappatoire à ce qui se fait de plus étouffant ici-bas: le cadre de la vie. Voyager, c'était sortir du cadre.

Mais elle se censura, présumant à tord qu'elle l'ennuyait. Il aurait pourtant aimé entendre ce qu'elle avait vu, ce qu'elle avait vécu en Afrique. Où ça en Afrique ? Dans le désert ? Dans la jungle ? Dans les villes ? Etait-ce vrai que les africains voyaient un dieu dans la moindre brindille, dans la brise, dans l'oryx affamé ou le guépard conquérant ? Les avait-elle déjà vus danser ? Comment étaient leurs tribus ? Que mangeaient-ils ? Quelles sortes de lézards avait-elle vu là-bas ? Les marchés étaient-ils aussi impressionnants qu'on dit ? Et les femmes des campagnes étaient-elles vraiment nues avec de la peinture sur tout le corps et des bijoux conçus avec des dents de crocodile ou des baies sèches des savanes ? Avait-elle eu la chance de rencontrer un griot ? Est-ce que les mosquées et les lazarets étaient aussi beaux qu'on racontait ? Comment les hommes marchaient-ils ? Et les pagnes ? Et la pêche ? Et le ciel ? Et les lacs et les montagnes ? Les questions obscurcirent d'un coup tout ce qu'il avait devant les yeux. A la place du mur d'en face, il percevait des flashs de ce continent. Un mélange de son imagination et de la réalité. Il n'arrivait même plus à différencier ce qu'il savait vraiment des fantasmes qu'il s'était fait de ce pays. Elle lui retournait la question mais lui n'avait rien à dire… il voulait qu'on lui parle d'Afrique… mais il n'osa pas demander.

"Je… ne connais que l'Italie et l'Angleterre"
confia-t-il presque honteux.

Après un silence hésitant, il reprit en soupirant désabusé :

"Mais je rêve d'Afrique, de voyage, d'évasion."

Etait-il sur le point de se confier ? Ce qu'il dit en avait l'air. Il oublia la dispute, la chute de l'armoire, Poudlard. Pour effacer le sentiment d'avoir été volé, peut-être devait-il lui-même offrir une tranche de son intimité. Ainsi, sans lui dire "je te pardonne", sans marquer son besoin de vouloir effacer ce sentiment diffus de gêne que l'ouverture hasardeuse du journal avait provoqué, il pouvait lui-même soigner la blessure. On n'est plus caché si l'on se montre… un peu. On n'est plus obligé si l'on choisit soi-même…

Avec hésitation, Manny ouvrit le journal et tourna quelques pages avant d'en choisir une spécifique. On sentait que les gestes étaient fébriles et incertains, mais c'était pour lui la seule façon de reprendre ce qu'on lui avait volé : donner parce qu'il l'avait décidé. Il voulait partager parce qu'entendre quelqu'un lui dire ne pas vouloir d'attache, c'était un peu la clé en bronze qui ouvrait la boite de Pandore. Non que Manny considérât que son ouvrage contenait tous les maux de la terre mais plutôt qu'il voyait dans l'ouverture de ses secrets une sorte d'absolution de Loevi qu'il n'avait vraisemblablement pas envie de détester. Ils pouvaient partager cette "douleur", si l'on pouvait parler ainsi, et de ce fait, engendrer tout le contraire de ce que "ne pas avoir d'attache" suggérait: créer un lien. Qu'elle le veuille ou non, en lisant son journal, elle était entrée en lui et elle possédait quelque chose qui lui appartenait. Maintenant, elle devait assumer les conséquences et prendre ce qu'on lui tendait quand bien même le geste fut difficile pour lui.

Il lut. Au début, la voix était chancelante puis, avant la fin de la première phrase, elle devint déjà plus timbrée, plus ronde, plus souple.

Citation :

"…L'enfant avait tellement été blessé, et dans son corps et dans son cœur, qu'il lui sembla que rien de plus douloureux ne pourrait jamais plus lui arriver. Il remonta sur son balai et s'envola sans réfléchir vers l'horizon sale que les nuages grisâtres chargés de pluie et transpercés par l'orage déchiraient.
Il vola si longtemps sans manger et sans se reposer qu'en chemin il oublia son nom et son passé. Il ne lui restait que la cicatrice profonde à l'endroit de son cœur et l'hématome doré que lui avait laissé le maléfice que son propre père lui avait jeté.

Quand il atterrit enfin, quelque part dans un pays qui n'était que sable et soleil ardent, il pensa avoir trouvé une terre qui lui ressemblait. Elle était vide et sans espoir. Mais ce long voyage l'avait tellement affaibli qu'il ne tint pas longtemps debout. Il tomba et roula en bas de la dune. Il avait envie de crever là, les narines pleines de silicate et les phalanges à vif tant sa peau s'était abîmée sur le bois râpé de son balai. Dans quelques heures, avec de la chance, son corps asséché deviendrait de la poussière qui viendrait s'ajouter au sable du désert et le monde oublierait qu'il avait un jour existé. Ses paupières se fermèrent.

Il sentit alors de larges mains le soulever. A bout de force, il ouvrit les paupières et n'aperçut que la silhouette floue d'un grand homme noir dont le visage était enrubanné dans un grand drap de tissu bleu. Puis, il perdit connaissance.
Quand il rouvrit les yeux, un, deux ou peut-être trois jours plus tard, l'homme se tenait à côté de lui. Il faisait nuit et il était aussi noir que la nuit. Aussi beau que la nuit.
-Tu es en Afrique, lui dit-il dans sa langue, tu es arrivé par le ciel. Es-tu un dieu ?
-Non, je suis un garçon.
-Comment te nommes-tu?
-Je n'ai plus de nom.
-D'où viens-tu?
-Je n'ai plus de patrie.
-Ici est un nouveau pays. Si le ciel t'a recraché, c'est qu'il ne voulait pas de toi. Tu peux renaître alors il te faudra un nouveau prénom.
-Baptise-moi.
-Tu seras Sarhaan, l'homme libre."

Manny referma son journal et laça le cordon qui servait à le boucler. Il ne commenta pas la raison pour laquelle il venait délibérément de s'ouvrir à Loevi. C'était trop compliqué à expliquer. Il n'avait pas besoinde s'expliquer. Elle penserait ce qu'elle voudrait. Néanmoins… Il se tourna vers elle et lui sourit, libéré. Un vrai sourire rayonnant. L'orage était peut-être passé.
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MessageSujet: Re: Les voyages forment la jeunesse   Les voyages forment la jeunesse Icon_minitimeMar 22 Déc - 17:48:24

Perdue dans sa lecture inattentive d'un carnet dont elle avait longtemps oublié l'existence, Loevi n'avait pas remarqué le changement qui était intervenu chez Manny pendant qu'elle parlait - peut-être aurait-elle continué sur sa lancée, dans le cas contraire... Elle s'était bien rendue compte qu'il bougeait ; mais c'était à peu près tout. Elle n'avait absolument aucune conscience du paysage intérieur qui se créait, se recréait, dans l'esprit animé d'évasion de son camarade. Aucune idée de ce qui les rapprochait, au-delà du seul blason de leur Maison. Pas encore.

Il répondit à sa question avec hésitation, presque à contre-cœur. Surprise par le ton soudain employé, la jeune fille risqua un bref coup d'œil dans sa direction. Quelle honte y avait-il à ne pas avoir voyagé ? Tout le monde n'en avait pas la possibilité, et ce pour tout un tas de raisons différentes. Loevi, elle, ne pouvait décemment pas se vanter de l'avoir fait, puisque chacun de ses voyages était une fugue, une fuite en avant pour tenter d'échapper, brièvement ou définitivement, à un poids familial qu'elle ne pouvait plus supporter. Dans ces circonstances, qui devait vraiment avoir honte ?

Elle, c'était l'Italie qui l'intriguait. Elle avait entendu beaucoup de choses sur ce chaleureux pays, et elle rêvait parfois de s'y rendre - avant que la réalité ne revienne écraser sous ses impitoyables sabots les envolées lyriques de son esprit. C'était donc cela, l'Italie, qu'elle entendait dans l'étrange accent de Manny ? Y percevait-elle la chaleur du soleil et des gens, le chant des grillons et l'écho des voix des artistes anciens, comme elle se l'était souvent imaginé ? Ou la vie avait-elle tout simplement réprimée sa pauvre âme meurtrie d'enfant ?

Comme elle, il rêvait de voyages, d'évasion. D'un autre monde, si différent du leur que plus rien là-bas ne leur rappellerait leur patrie d'origine. Elle en avait eu un aperçu - le reste n'avait été qu'un reflet plus démoniaque encore d'un passé qu'elle rejetait. Elle en voulait plus. Beaucoup plus. Et elle partageait ce désir avec lui. Avaient-ils donc commencé par se blesser pour en fin de compte découvrir qu'ils se ressemblaient ?

S'il rêvait d'Afrique, elle pouvait lui improviser un carnet de voyage multicolore dont la chaleur l'avait transportée dans une autre vie, où elle n'était plus une BloodDust, plus qu'une adolescente ordinaire sans passé et sans attaches, perdue dans un ailleurs. Mais c'était tout ce qu'elle pourrait jamais lui apporter. Un récit, même prononcé d'une voix exaltée, ne remplacerait jamais les impressions de voyage d'un vécu. Elle ne réussirait qu'à lui instiller un sentiment de frustration, au lieu de lui insuffler la magie des sensations. Comment transmettre les bonheurs, les surprises, le panel riche des émotions qu'elle avait vécues ?

Elle entendit le bruissement des pages que l'on tourne, mais ne s'en avisa vraiment que lorsque la voix de Manny s'éleva de nouveau dans le couloir désert, vacillante et mal assurée, comme celle d'un conteur inexpérimenté qui craint les réactions de son public. Prenant conscience de ce qu'il disait - lisait - Loevi referma brusquement son propre carnet et tourna la tête vers lui, écarquillant les yeux sans pouvoir y croire : de lui-même, il lui offrait quelques lignes de ses secrets...

Comment était-ce possible, quand les quelques minutes précédentes l'avaient vu si choqué d'une lecture inopportune ? Pourquoi, après avoir tant souffert de ce geste malencontreux, se confiait-il maintenant à elle, à travers sa plume ? Plutôt que de chercher à comprendre, la jeune fille se laissa doucement bercer par la voix plus ferme de Manny, qui l'emmenait déjà au pays de son cœur, porté par les vents et le désespoir. Elle vit, avec lui, les nuages orageux dont elle connaissait les formes par cœur, les sables chauffés sous un soleil de plomb, elle ressentit elle aussi la blessure profonde qui suintait au fond de son âme, l'abattement et la fatigue... Comme lui, elle se vit abandonner nom et patrie, origines et passé, pour commencer une vie nouvelle dans cette oasis débordante de pardon et de renouveau...

Cela la ramenait en arrière, pas si loin en arrière.

Le carnet se referma et Loevi rouvrit les yeux, oubliée en chemin sur les dunes brûlantes d'un désert lointain. Elle découvrit alors quelque chose qui termina de réchauffer son cœur : le sourire éclatant de Manny Manara, couvrant comme un baume la blessure qu'elle-même avait par mégarde ouverte en lui.


-C'est... beau... chuchota-t-elle, refusant de briser la magie encore présente en elle par un éclat de voix malvenu. Sarhaan, l'homme libre...

Ainsi donc, lui aussi rêvait de tout laisser derrière lui pour courir le monde, et recommencer ailleurs ce qui n'avait pas marché ici... Elle ne pouvait que le comprendre, au fond d'elle-même, mais ne parvenait plus à croire en cette réalité. Elle avait tenté cette échappée folle - et s'y était brisé les ailes. Parfois, mieux valait peut-être rêver que vivre pour voir ses rêves se dissoudre comme autant de grains de sables emportés par le vent de la déchéance.

Elle ne savait plus quoi dire, ni comment expliquer au Poufsouffle l'émotion que sa courte lecture avait fait naître en elle. Elle ne savait pas non plus si elle devait lui dire qu'elle comprenait tout cela - ou s'il le prendrait mal. Le fait de le voir s'ouvrir à elle de cette façon, sans le moindre préavis, ne l'aidait pas à trouver les mots justes ; elle craignait de le blesser de nouveau, involontairement.


-C'est beau... dit-elle pourtant, regrettant chaque mot prononcé. Beau et triste à la fois...

Elle se reconnaissait dans tous ces mots. C'était effrayant - attirant.

-Un monde si vaste et si aride qu'on pourrait s'y perdre et y mourir loin de tout, enfin en paix avec soi-même... Et y renaître différent, y vivre différemment, tout reprendre de zéro et tout reconstruire...

Et ces mots-là, comme tous ceux que lui dictaient les cris étouffés de son âme, ces mots-là venaient du plus profond d'elle-même, dépourvu de mensonge ou de faux-semblant.
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MessageSujet: Re: Les voyages forment la jeunesse   Les voyages forment la jeunesse Icon_minitimeMar 5 Jan - 19:12:29

Quand Manny eut refermé son journal, sourit pour une raison qu'il était incapable d'identifier et regardé le visage de Loevi, il ressentit quelque chose d'étrange. Elle le regardait bizarrement. En fait, elle ne le regardait pas vraiment, même si ses yeux étaient dirigés vers lui, elle regardait plutôt en elle. Very very deep inside her.
Il fut confondu par l'expression de son regard et les paroles qu'elle prononça. Pas la partie où elle trouvait ça beau mais celle qui suivait où, dans un pays où rien n'existait, on pourrait repartir à zéro. Confondu par l'expression de son regard et pas simplement ébahi d'avoir l'impression d'être compris pour la première fois par quelqu'un. Par l'expression de son regard et la profondeur troublante de la manière dont elle récita ces paroles, comme si… comme si elle était lui… ou, plus probablement, comme si elle le vivait aussi. Vivre intensément ce sentiment d'ailleurs.

C'était un moment de grâce troublant qui frisa l'embarras parce que, à cet instant précis, il la trouva très jolie. L'évidence le fit rougir et passé cette constatation et l'auscultation de ses yeux, il détourna la tête et se leva d'un bond.

Debout, il lui tendit la main en souriant gaiement :

"Loevi, on doit partir d'ici… ça va être la fin des cours et je suis sorti… heu, comme qui dirait, en avance… je me suis auto-viré du cours. Si le prof me trouve ici, je vais avoir une heure de colle. Si j'ai une heure de colle, Jörgen me vire de l'équipe de Quidditch, si on me vire de l'équipe de Quidditch, je vais passer la fin de l'année à me complaindre, à noyer mon chagrin dans la patacitrouille et les dragrée de Bertie Crochue, ce qui va me faire grossir, donc déprimer encore plus et aucune fille ne voudra venir avec moi au bal de fin d'année - quand je veux je suis pire qu'une fille pour ces choses-là - et je… enfin… t'as compris…"

On aurait dit un sorcier de série B. Approchant son visage de celui de Loevi avec un air réprobateur et faussement menaçant :

"Tu n'aimerais pas que, par ton exclusive faute, je pèse cent kilos de plus et que je ressemble à Tracy, hein ?"

Tracy était un des meilleurs amis de Manny. Ils faisaient partie de la même petite bande, mélange de Poufsouffle, de Serdaigle et de Gryffondor de sixième année.

Manny avait un super don pour les mélos, façon tele novela.

Il se redressa et rangea son journal dans son sac en tendant son bras à Loevi comme un gentleman :

"Si tu veux bien, ça me ferait plaisir que tu m'accompagnes dans la salle commune. On pourra finir notre discussion… tu viens ?"


Il espérait qu'elle accepterait de le suivre. Défloré de ses premières timidités, l'italien était plutôt de bon allant et, en dépit de sa réputation de sécheur invétéré, de bonne compagnie. En tout cas, il l'espérait.

Au lointain, dans les couloirs et les escaliers, les portes s'ouvraient, les pas tapotaient les dallages, des voix heureuses savouraient la fin de cette journée de cours dans les cris et la dissipation. Ils seraient noyés comme des poissons dans le flux des élèves qui iraient à la bibliothèque, dans leur salle commune ou directement dans la grande salle. Égoïstement, il avait envie de garder Loevi pour lui encore quelques instants. D'abord parce qu'il la croisait dans la salle commune depuis si souvent sans lui avoir jamais réellement parlé qu'il redoutait que cela fût la dernière chance qu'il avait de la connaître ; ensuite, il avouait que ça ne devait pas être si mal d'être vu au bras d'une fille. C'était le côté adolescent retardé qui remontait à la surface. Quel pied ça serait de croiser Tracy et les autres au bras de Loevi !

Loin de lui l'idée de vouloir frimer... enfin, juste un peu. Mais proche de lui, l'envie sincère de la connaître malgré leur malheureux départ. Le problème étant qu'il ne savait pas comment s'y prendre. Si depuis tout ce temps ils ne s'étaient jamais parlés, peut-être n'était-ce pas le fruit du hasard, peut-être que Loevi nourrissait une passion désespérée pour la solitude... et pourquoi avait-elle disparu pendant un an ?

"Oh ! Tant de questions pour ton petit cerveau Manny. Sois patient, personne n'aime les interrogatoires. L'inquisition, c'était au moyen âge. Au XXIème siècle, il faut être subtile."

Et ça le connaissait la subtilité, il n'y avait qu'à voir la façon dont il était sorti du placard.
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MessageSujet: Re: Les voyages forment la jeunesse   Les voyages forment la jeunesse Icon_minitimeJeu 7 Jan - 17:04:36

Le silence qui suivit les dernières paroles de Loevi ne lui parut pas exister. Elle n'était pas encore revenue de son voyage dans le lointain où l'avait entraîné Manny. Pas plus de celui qu'il l'avait sans le savoir poussée à emprunter - un chemin à travers soi, à la recherche de rêves anciens qu'elle avait cru depuis longtemps évaporés dans les miasmes de la réalité. Elle ressentait pourtant, instinctivement, sans le savoir encore, la magie de cet instant unique où, enfin, elle se sentait en phase avec un autre qu'elle-même. Si elle n'y croyait plus, d'autres qu'elle voulaient encore y croire ; si cette pensée l'avait d'abord découragée, à présent elle la rassérénait.

Puis, soudain, Manny bondit sur ses pieds, la tirant des profondeurs abyssales de ses pensées, et lui tendit la main, sourire aux lèvres. Il se lança dans une explication à la logique imparable afin d'inciter la jeune fille à ne pas traîner plus longtemps au milieu de ce couloir pour l'instant encore désert ; d'un sérieux à toute épreuve, sa démonstration l'amena à des extrémités farfelues qui arrachèrent un léger sourire amusé à sa camarade. Elle imaginait très mal un garçon tel que Manny noyer son dépit dans une avalanche de bonbons - et encore moins se voir jeter par une cavalière - mais l'image était drôle.

Il s'approcha un peu, prenant pour la circonstance une mine faussement plus sévère, pour lui signifier à sa façon que ce serait sa faute à elle, s'il en arrivait là ; son sourire s'affadit légèrement à ces mots, mais elle songea qu'il n'avait pas de mauvaise intention, comme, un peu plus tôt, lorsqu'il avait fait allusion à son mandat déplorable. Elle hocha la tête. Elle ne savait pas qui était Tracy mais, à en juger par le ton de Manny, ce devait être un garçon quelque peu enrobé - pour ne pas se montrer impoli.

Comprenant les inquiétudes de son camarade de Maison, elle laissa tomber son vieux carnet au fond de son sac, qu'elle referma sans hâte. Elle s'attendait à ce qu'il en profite pour rejoindre ses amis, la laissant de nouveau seule avec elle-même - elle ressentit un pincement au cœur à cette idée, mais ce ne serait qu'un juste retour à la normale après une courte parenthèse d'irréalité - aussi fut-elle intensément surprise lorsque, lui tendant le bras à la façon de ces hommes en soirée, il l'invita à l'accompagner jusqu'à leur Salle Commune. Elle n'en croyait pas ses oreilles ; avait-elle bien entendu ? Voulait-il réellement passer plus de temps avec elle ? C'était improbable - inespéré.

Elle entendit, étouffés par l'épaisseur des portes et des murs et réverbérés dans tout le couloir, les raclements de chaises et ouvertures de portes annonçant la fin de la dernière heure de cours. Elle-même n'avait pas tellement envie de croiser la route d'un professeur, quel qu'il soit. Qu'un seul d'entre eux la trouve ici et, permission professorale ou pas, cela lui créerait des complications dont elle n'avait nul besoin. Le visage inconsciemment éclairé d'une lueur qui n'y avait plus éclot depuis des siècles, semblait-il, elle attrapa son sac et se leva précipitamment. Oui, bien sûr qu'elle voudrait l'accompagner !

Elle s'accrocha sans la moindre hésitation au bras du jeune homme, emportée par sa joie nouvelle, et ne réalisa son geste qu'une fois celui-ci fait. Elle, bras dessus bras dessous avec un garçon ! Elle n'avait pas souvenir que cela lui fut déjà arrivé - excepté, peut-être, une courte danse improvisée à un bal, il y avait déjà plusieurs années, mais cela ne comptait pas, pas vraiment. Elle ne connaissait Manny que depuis une malheureuse demi-heure, et leur entente n'avait tout d'abord pas été des plus évidentes. Comment s'était-elle retrouvée là, agrippée à lui comme si elle le connaissait depuis toujours ?


-Tu es sûr que ça ne te gêne pas, de t'afficher avec moi ? lui demanda-t-elle dans un murmure inquiet. Je ne suis pas tellement réputée ici, tu sais ?

Des élèves se rapprochaient d'eux ; elle entendait leurs pas et leurs voix résonner de plus en plus fort. Si Manny semblait ne pas en faire grand cas, Loevi, elle, craignait d'être vue. Elle avait réussi à regagner une sorte d'anonymat après son retour mais, à ce train, elle allait de nouveau alimenter une partie des ragots de l'école. En fait, pourquoi Manny Manara s'intéressait-il à elle ? Il avait reconnu en elle la préfète lamentable, pourquoi pas l'élève fugueuse ? Voulait-il seulement éclaircir le mystère de sa disparition, là où tous n'avaient pu se fournir qu'en rumeurs infondées ? Elle ne s'était jamais vue comme une personne intéressante, pas plus depuis sa fugue.

Pourtant, elle voulait encore lui faire confiance. Parce qu'elle avait senti en lui, en ses mots et en ses sourires, quelque chose qu'elle ne pensait plus trouver. Et qu'elle voulait simplement, pour une fois, oublier sa méfiance.
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MessageSujet: Re: Les voyages forment la jeunesse   Les voyages forment la jeunesse Icon_minitimeMar 19 Jan - 14:57:41

"Me gêner ? s'étonna Manny en riant, tu t'es vue, Loevi ? la questionna-t-il sans faire cas des regards qui se posaient sur eux. Tu es jolie comme tout, c'est pas gênant de s'afficher avec toi, c'est plaisant. Ceux qui diront le contraire n'y connaissent rien, parole d'italien", termina-t-il par un clin d'œil complice.

Manny ne se posait pas la question de la réputation et de la popularité des gens parce que s'il se mettait à jouer à ce jeu-là
1) avec sa forte tendance à faire l'école buissonnière ça serait se foutre du monde,
2) il n'aurait pas pour meilleur ami le type le plus gros de l'école mais un imbécile bellâtre qui le ferait rayonner en flattant son ego,
3) le stéréotype du latino le mettrait dans tous ses états or il s'en amusait,
4) il n'y avait pas de petit quatre pour l'instant mais ça devrait.

Il lui était agréable de se promener au bras d'une fille, et ça aurait été vraiment très hypocrite de prétendre le contraire. Il avait non seulement envie de taquiner la curiosité de ses amis mais aussi la sienne propre. Loevi. Un prénom qui, quand on le prononce de syllabe en syllabe, force doucement les lèvres à s'étirer en un sourire. Comment ne pas être curieux d'une fille qui porte un prénom qui sourit ? Etranges étaient les filles et la vision qu'elles avaient d'elles-mêmes.

Lui aurait été plutôt en droit de se demander si ça ne la dérangeait pas, elle, d'être vue au bras d'un rital qui brillait par ses absences et son sens inné de la clownerie.

Ils marchèrent ainsi à travers les couloirs qui les emmenèrent vers la salle commune. Manny ne croisa pas ses amis sur le chemin mais faillit tomber nez à nez avec le professeur dont il avait déserté le cours avant la fin. L'homme était en train de discuter avec leur directeur de maison. Manny priait pour que le sujet de la discussion ne soit pas son cas. Subitement, un coup de chaud lui monta aux joues, il contourna Loevi et se cacha derrière elle en s'agrippant à sa taille pour la diriger face aux enseignants et bien se cacher de leur perspective, le nez collé à son dos :

"Bouse de bouse ! C'est le prof ! murmura-t-il, on tourne à gauche..."

Sans lâcher Loevi, il fit le petit train jusqu'à un embranchement qui menait il ne savait où. Quelques pas en arrière - Loevi devait ressembler à un centaure avec Manny ainsi recourbé derrière elle -, quelques pas à droite et une course folle pour remonter un petit escalier en colimaçon qui menait vers nulle part. Ce nulle part lui plaisait bien tant qu'il ne rimait pas avec heure de colle.

Essoufflé et une fois de plus désolé, il se tourna vers Loevi et prit le pli de la rigolade plutôt que de la dramatisation :

"Un petit road trip avec Manny ? Tu t'attendais pas à ça, hein ? Bah moi non plus..."


Plus calme :

"Désolé. Je suis désolé, Loevi. Je pense que tu vas aller à la salle commune toute seule... je te rejoindrai. Ou, si tu veux... on peut... je ne sais pas. Tu manges avec qui d'habitude ? Qui sont tes potes ?"
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MessageSujet: Re: Les voyages forment la jeunesse   Les voyages forment la jeunesse Icon_minitimeSam 23 Jan - 18:19:15

Accrochée au bras de Manny, plus proche de ce garçon qu'elle ne l'avait jamais été avec aucun, Loevi se serait arrêtée si Manny n'avait pas poursuivi son chemin sans rien remarquer de son trouble. Il avait dit qu'elle était jolie... Depuis quand personne ne lui avait fait un tel compliment ? Elle ne s'en souvenait pas ; si quelqu'un l'avait fait un jour, alors c'était comme dans une autre vie. Elle avait oublié qu'elle pouvait être jolie. Suffisamment pour qu'il soit "plaisant de s'afficher avec elle".

Elle occultait le vrai fond du problème.

Pourquoi n'avait-il rien répondu concernant sa réputation ? Pourquoi n'avait-il rien dit ? Elle lui avait tendu une très belle perche, la corde pour la pendre haut et court. Et il n'avait pas rebondi. Aucune remarque, aucune allusion à ce qu'il en pensait. Il avait tout bonnement détourné le sens de la question. Etait-ce parce que... ce qu'on disait d'elle lui était tout à fait indifférent ? Etait-ce possible ?

Depuis son retour, elle ne voyait la masse étudiante que comme une entité impitoyable et hostile qui se dressait devant elle comme un immense dragon prêt à cracher son feu sur elle, la traîtresse, la lâche déserteuse qui s'était planquée à l'étranger quand l'Angleterre commençait à chauffer. Bien entendu, ils ignoraient ses vraies raisons mais... étaient-elles plus avouables que celle-ci ? Elle ne savait rien du Combat Blanc, cette affreuse bataille qui avait ensanglanté Poudlard et ses précieux élèves, rien de plus que ce que les journaux sorciers et moldus en avaient dit. Elle ne savait rien de l'horreur qu'avaient vécu ceux qui avait dû y assister, de ceux qui y avait participé.

De ceux qui y avaient tant perdu.

Pourtant, Manny ne semblait rien lui reprocher. Il était là, avec elle, comme il aurait gratifié de sa présence n'importe quelle autre fille de n'importe quelle autre Maison - c'était son ressenti. Il était là, accessible pour elle. Et il la complimentait. C'était plus qu'elle n'en avait attendu de quiconque, infiniment plus. Il la faisait se sentir normale, pour la première fois depuis longtemps. Et ça faisait un bien fou.

Sa vue se troubla légèrement, et ses lèvres se mirent à trembler ; sa gorge douloureuse semblait vouloir l'empêcher de respirer. Elle allait pleurer.

Heureusement pour elle, ce fut le moment que choisit Manny pour agir de façon totalement déconcertante. Il se cacha presque aussitôt derrière elle en la saisissant par la taille et marmonna quelques mots qu'elle comprit avec retard. Regardant devant elle, elle vit en effet deux professeurs en grande discussion - si grande qu'ils n'avaient pas l'air de les avoir remarqués, elle et le gamin qui se planquait derrière comme pour échapper à une punition de sa mère après avoir chipé les gâteaux dans la boîte.

Elle se retrouva à courir derrière lui avant d'avoir bien compris, la main serrée dans la sienne, entraînée à travers un couloir, grimpant à s'en donner le tournis un escalier en colimaçon, un nouveau couloir... Des éclats de rire aussi surpris qu'amusés lui échappaient entre deux aspirations ; combien de temps cela faisait-il qu'elle n'avait pas fait de ces folles cavalcades dans le château, à des heures où les enfants sages dormaient au fond de leur lit ? C'était grisant ; ça lui rappelait le bon temps. Elle l'avait fait aussi, quelques fois, dans les sombres recoins du manoir, avec son cousin...

Ils s'arrêtèrent, essoufflés, quand ils furent sûrs que les professeurs ne pourraient pas les rattraper - s'ils en avaient jamais eu l'intention. Pour une fois - la première depuis longtemps - Loevi riait de bon cœur. Ç'avait été un instant à part, encore. Elle avait tout oublié le temps d'une course, tout ce qui n'était pas une fuite enfantine en compagnie de quelqu'un - un jeu, et rien d'autre. Un bref retour à l'insouciance de l'enfance. Elle ne s'y était pas attendue, en effet ; mais elle avait adoré.

Ce qu'il ajouta en revanche éteignit subitement son rire. En deux secondes, elle passa par divers sentiments qui étouffèrent toute étincelle de joie en elle. Elle eut d'abord envie de lui dire qu'il n'avait pas à s'excuser, qu'elle s'était amusée comme jamais depuis... longtemps. Elle crut qu'il voulait se débarrasser d'elle, ne trouvant qu'une excuse maladroite et blessante pour l'écarter de son chemin. Puis... elle ne sut plus quoi penser. A part qu'il allait comprendre à quel point elle était devenue une paria, dans cette école.

Elle détourna la tête, calma sa respiration.


-Tu me retrouveras sans doute toute seule à un coin de la table... murmura-t-elle à contre-cœur. Mes... La plupart de mes amis ont déjà eu leur diplôme...

Profondément honteuse d'elle-même, de ce qu'elle avait fait et ce qu'elle en avait récolté, elle avait préféré un demi-mensonge à la vérité crue. Il devait bien la deviner, sous les mots, lui qui était maître dans cet art.
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MessageSujet: Re: Les voyages forment la jeunesse   Les voyages forment la jeunesse Icon_minitimeSam 23 Jan - 20:10:54

Evidemment, comme souvent, la réaction de Manny à la confession de Loevi ne fut peut-être pas celle qu’on attendait. Il écarquilla des yeux ronds, mimique somme toute normale pour signer sa surprise. Puis il plissa les yeux et arqua un seul sourcil. L’expression passait d’une nette surprise à un pyrrhonisme qui restait néanmoins respectueux, c'est-à-dire qu’il ne doutait pas de sa vérité mais doutait que ce qu’elle fut la seule vérité. Et, pour clore la frise de ses expressions les plus baladines, il lui fit un sourire qui annonçait une bouffonnade enjouée. Sa façon de désamorcer ce qui ressemblait de près ou de loin à une bombe prête à lui exploser à la figure :

"T’as quel âge ? 50 ans ? Pourquoi ils sont tous diplômés sauf toi ? Tu en parles comme s’ils t’avaient quitté il y a mille ans…"

Les questions n’appelaient visiblement pas de réponses qu’il était urgent qu’il obtienne puisqu’il embraya sans attendre en mettant dans ses gestes et son attention plus de sollicitude que des mots ou une oreille attentive n’en auraient mis pour parer au drame qui avait obscurci le rire mort trop rapidement :

"Loevi… heu… Leroy."

Ouh, quand il commençait par le prénom et le nom de son interlocuteur avec cet air sérieux, ça sentait le Manny force 4 :

"T’as dit ça rien que pour m’embêter, avoue."

Avant qu’il ne s’en rende compte, il avait pris la main de Loevi mais il continuait de parler en la regardant droit dans les yeux :

"J’allais te proposer de dîner près de moi ce soir mais maintenant si je te le propose tu vas penser que ton sortilège gépadami a fonctionné sur moi. Or, j’aimerais qu’on mange ensemble sans que tu penses que je suis une chiffe molle qui se laisse avoir par un regard triste. Ou alors, disons que je vais me laisser avoir pour cette fois-ci parce que j’ai très envie de dîner avec toi mais que tu me dois deux fous rires d’ici la fin du repas."

Il pressa sa main comme un signe d’encouragement.

"Je suis pas sûr de pouvoir remplacer un tas d’amis diplômés, d’abord parce que je suis même pas sûr d’avoir un jour mon diplôme, cependant…"

Un soupir lui fit accuser le coup. Manny lâcha la main et offrit un sourire différent des autres. Un sourire qui capitalisait sur sa sincérité naturelle pour se livrer sans que cela paraisse pour une féminisation de son tempérament :

"Je n’avais jamais eu l’envie, le besoin…ressenti le choc de partager une page de lecture des histoires stupides que je raconte dans mon journal avec quelqu’un… enfin, ce que j’essaye de te dire avec le verbe d’un gobelin bègue c’est que, si tu le permets, j’aimerais qu’on devienne amis. J’ai la sensation qu’il y a en toi quelque chose qui répond à ce qu’il y a en moi. C’est de la fuite, c’est de la curiosité, c’est une sensation bénéfique et en même temps effrayante, c’est cruel parce que c’est silencieux, inidentifiable, je ne suis même pas sûr que ça ait du sens tout ce que je te dis, je m’embrouille, mais ça ne change pas le fond du problème. Dîne avec moi et ne me fais plus ces yeux malheureux sauf si un jour tu comptes m’expliquer ce que tu as fait cette dernière année."

Pour conclure, sans dériver son regard de celui de Loevi où il espérait trouver un écho pas trop pitoyable des inepties qu’il venait de confier, il lui tendit son bras comme une invitation, espérant qu’elle accepterait de le reprendre. Alors, il l’accompagnerait jusqu’à l’étage inférieur et filerait discrètement vers le parc en attendant l’heure du repas et être certain de ne plus croiser ses professeurs.
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MessageSujet: Re: Les voyages forment la jeunesse   Les voyages forment la jeunesse Icon_minitimeDim 24 Jan - 17:13:42

A quoi s'était-elle attendu, de la part de Manny ? Quel genre de réaction ? Loevi avait dû oublier qui elle avait face à elle, quel personnage issu de sa Maison, gentil et imprévisible, l'écoutait ; son ton blagueur et sa réplique inattendue la tirèrent de son éternel désespoir pour la plonger dans une perplexité moins lourde à porter. Elle riva ses yeux aux siens, légèrement écarquillés ; l'ombre d'un sourire revint étirer ses traits lorsqu'il l'accusa de le faire exprès.

Comment était-ce possible ? Comment, en si peu de temps, était-il parvenu à trouver cette impossible manière de lui rendre le sourire quand elle croyait en avoir perdu à jamais la capacité ?

Elle sursauta presque lorsqu'il reprit sa main, rompant un instant le contact visuel. Lorsqu'elle le regarda de nouveau, il avait un air plus sérieux ; ce qu'il disait n'avait rien d'une boutade supplémentaire. Il lui tira presque un énième sourire, mais l'intention qui se cachait sous la proposition... Elle ne pouvait y croire. Qui, dans cette école, pouvait décemment vouloir dîner en sa compagnie ? Cela faisait des semaines déjà qu'elle prenait ses repas dans la plus grande solitude qui soit, quand elle ne décidait pas de tout simplement ne pas se rendre dans la Grande Salle.

Et comme si cela ne suffisait pas, il comptait tirer d'elle deux fous rires, à elle qui avait la sensation de n'avoir plus ri depuis des siècles ? Il y avait déjà réussi, en l'entraînant comme il l'avait fait dans cette course folle. Mais même avec toute leur bonne volonté, pouvait-il y arriver deux fois de plus ? C'était insensé, insensé de seulement y croire. Il pouvait remplacer tout Poudlard à lui seul, s'il y parvenait. Elle se fichait des diplômes, elle se fichait de tout, s'il était sincère...

Il lâcha sa main et elle ressentit soudain comme un vide ; comme s'il s'écartait, comme s'il la laissait seule, sa présence, sa chaleur s'étaient comme effacées de son environnement. Elle n'avait pas réalisé la place qu'il avait prise dans le vide de sa vie, en si peu de temps, un trou plus béant encore qu'avant qu'il n'arrive, parce qu'elle prenait conscience de son existence. Conscience de la solitude extrême dans laquelle elle vivait...

... et qui lui faisait si mal.

Oui, elle avait mal. Mais elle avait choisi cette douleur, persuadée que c'était la seule chose à laquelle elle avait droit. Parce que c'était la seule chose qu'on lui ai jamais réellement offerte. La seule chose qu'elle ait jamais vraiment connue.

Il souriait, pourtant. Un sourire différent. Un sourire qui cherchait à éveiller quelque chose qui gisait encore endormi au fond d'elle. Qu'allait-il se passer ? Qu'allait-il faire, maintenant ?

Les premiers mots qui suivirent la glacèrent. A mesure qu'il se confiait à elle sans autre barrière que l'hésitation et la recherche des bons mots, elle prit peur ; peur de ce qu'il lui avouait, peur de l'écho qui vibrait en elle comme s'il tentait de lui répondre. Peur de la vérité qui sourdait par toutes les syllabes et qui lui jetait au visage tout ce qu'elle était et avait rejeté - elle-même. Au-delà de la joie que créait en elle son désir de devenir son ami, elle éprouvait une angoisse indicible à la pensée qu'il offrait cette part intérieure de lui-même, ce jardin secret qu'elle seule avait découvert, par le plus malheureux des hasards.

Pourquoi ? Pourquoi s'ouvrir à elle ainsi, sachant tout ce qu'elle était ? Il devait bien savoir - il devait bien comprendre. Ne ressentait-il aucun effroi à l'idée qu'elle puisse apprendre à connaître ce qu'il dissimulait à tous ? Cette part de lui-même qui n'appartenait qu'à lui ?

A l'idée de comprendre les ténèbres qui étaient la base sur laquelle tout l'être de Loevi reposait ?

Elle se mit à trembler, plus terrifiée par la sincérité et l'amitié librement donnée de ce garçon que par toute autre chose. Oui - terrifiée par la candeur d'un être humain. Une innocence qui faisait total contre-pied avec sa propre laideur. Il tendit de nouveau son bras et elle frémit de plus belle, le regard fixé sur lui, incapable de se détourner. Qu'avaient-ils de commun ? Que pouvaient-il partager ?

Pourquoi se ressemblaient-ils autant, alors que tout les séparait ?


-Je suis désolée... chuchota-t-elle enfin, sa voix perdue elle ne savait où sur les sentiers de sa conscience. Je suis désolée...

Elle parvint à s'écarter d'un pas, d'un autre ; lorsqu'elle fut sûre de ses jambes, elle recula encore et s'enfuit loin de Manny, loin de ses peurs qui la poursuivraient jusqu'au tréfonds de ses cauchemars.




Check Désolée pour l'attitude inqualifiable de Loevi, cette fille est vraiment pas croyable... Ange
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MessageSujet: Re: Les voyages forment la jeunesse   Les voyages forment la jeunesse Icon_minitimeMar 26 Jan - 11:12:22

L’italien n’eut pas besoin qu’on lui fasse un dessin pour interpréter la réponse de sa camarade de maison : elle n’avait pas besoin d’ami. Elle resterait une camarade de maison, une évocation cocasse de l’instantané, et rien de plus. Il ne resta bientôt rien d’autre que le souvenir d’un rire dans un couloir de Poudlard. Et de l’ombre, beaucoup d’ombres et de poussière. Néanmoins, par ses propres mots, elle en était désolée. Ne se sentant pas la personne la plus chérissable de la Terre, il se demandait de quoi elle aurait pu être désolée. Pour l’instant, sans se l’avouer, il était tellement interdit d’avoir provoqué une telle fuite, qu’il n’avait fait aucune place à sa fierté. Il la regarda donc s’enfuir par le petit escalier en colimaçon et, encore bête de s’être fait planter comme une mandragore sans racine, son bras restait en l’air. Il le rabaissa doucement en souriant pour lui. Décidément, ils étaient similaires en bien des points. En temps normal, il aurait été celui qui courait loin de ce qui l’attirait. Malheureusement, la pensée du jeune garçon qui n’était pas encore élevée à cette sorte de conscience n’eut pas cette profondeur. Elle s’arrêta à : En temps normal, il aurait été celui qui courait loin.

Son orgueil tarda donc un peu avant de souffrir. Il avait atteint le parc où il erra jusqu’à la rapide tombée de la nuit et s’apprêtait à le quitter pour aller manger quand ce dernier, non content d’avoir été limogé avant d’être pratiqué, râla son désaccord.

"Attends ? Désolée de quoi ?"

Bravo Manny. Dans le genre lent à la détente on aurait difficilement pu faire mieux. Ou pire.

Il se mit à courir. Il entra dans la Grande Salle comme si une horde de goules affamées étaient après lui. Presque furieux, il chercha des yeux Loevi mais ne la trouva pas. Il sortit sous les regards éberlués de Tracy et sa bande de copains :

"T’étais passé où ?"
"Pas le temps"
, répondit-il déjà dehors.

Il chercha dans la salle commune. Pas de Loevi.

Très bien. Le sort s’acharnait.
Alors il ne lui demanderait pas pour quoi elle était désolée mais, une chose était sûre, elle ne l’était pas plus que lui mais ça ne l’empêcherait pas de repenser à elle de temps en temps malgré ce qu'elle l'avait blessé.
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