[Tenshot] Accords

❧ Professeur Messages : 94 Date d'inscription : 30/07/2009

Fiche descriptive

Titre: Accords
Auteurs: Loevi Leroy et Willem Wyndham
Lieu: Bureau du directeur
Instant: fin d'année scolaire
But recherché: concilier deux nécessités afin de trouver un arrangement qui satisfasse les deux parties. D'un côté, W. Wyndham et son titre de directeur en péril, de l'autre, Loevi Leroy, élève au statut précaire.

I

Il y avait quelques semaines déjà que Muguet était de retour dans la vie de Loevi, pour ne pas dire quelques mois. Le retour du petit chat immaculé aux yeux azurés avait ramené un peu de normalité et de familiarité dans le quotidien délabré de la jeune fille ; un léger sourire mélancolique se dessinait sur ses traits chaque fois que son regard se posait sur l'animal, et elle ne pouvait alors s'empêcher de le caresser, lui embrasser le dessus de la tête ou le prendre dans ses bras pour le serrer très fort contre elle.

Curieusement, Muguet ne se plaignait pas du traitement dont il était l'objet alors que, un an plus tôt, il aurait sorti les griffes pour peu que Loevi n'agisse pas à son goût. Peut-être lui aussi était-il soulagé d'avoir retrouvé sa maîtresse...

La première joie passée - ou peut-être était-ce surtout la peur provoquée par le coma de sa cousine qui l'avait empêchée d'y penser - elle avait réalisé qu'après une année passée en solitaire dans cette forêt de malheur, le chat blanc avait sûrement besoin de se faire examiner, ne serait-ce que pour s'assurer qu'il allait bien, qu'il n'était pas blessé, ni malade, ni contaminé par elle ne savait quelle bestiole et plante dont elle aurait plus ou moins connaissance.

Cela étant dit, il lui avait fallu rassembler une bonne dose de courage pour aller rendre une petite visite au professeur Wyndham, lequel venait, si elle en croyait les dernières nouvelles, non seulement d'être nommé directeur remplaçant, mais aussi d'échapper au pire de la Sombraliote. Elle qui haïssait au plus haut point ces bestioles... C'était à peine si elle osait l'approcher - pour peu que ce soit contagieux...

Mais voilà, il y avait Muguet.

Alors, inspirant un bon coup pour se donner du courage, son chat fermement tenu dans les bras, elle toqua à la porte du bureau et attendit une réponse.

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II

Assis derrière le bureau directorial, compilant la correspondance de ces derniers jours, Willem Wyndham se demandait comment il avait pu supporter d'être un simple professeur pendant près de deux ans.
Certes, au départ, il n'avait accepté de prendre la tête de l'Ecole qu'en raison de ce sens du devoir qu'il avait chevillé au corps. Ce même sens du devoir qui l'avait conduit à accepter le poste d'enseignant en Soins aux Créatures Magiques. En quelques semaines, il s'était cependant aperçu qu'il prenait goût aux responsabilités. Au-delà du simple titre de directeur, qui était bien le cadet de ses soucis, il aimait guider plutôt que recevoir les ordres. Son sens de l'indépendance et son caractère autodidacte s'en trouvaient ainsi satisfaits. La seule loi qu'il avait désormais à suivre (hormis le Code Sorcier, que tout un chacun se devait de respecter, jusqu'à la Ministre elle-même) était la sienne. Pour un peu, il retrouvait la tranquillité d'esprit qu'il affectionnait tant dans son emploi précédent au Département de Régulation des Créatures Magiques.
Wyndham avait parfaitement conscience que ses jours à la direction de Poudlard étaient comptés. Il faisait office d'intérim et la rnetrée verrait la nomination d'un nouveau responsable tandis qu'il n'aurait plus qu'à se (mé)contenter de son titre de professeur.

Le Gallois fut tiré de ses réflexions par quelques coups frappés à la porter. Il leva la tête et attendit, silencieux. Le soldat en armure dont le tableau ornait la droite de la porte d'entrée disparut un instant pour reparaître avec l'information:

« Loevi Leroy, monsieur le directeur. »

Avec un léger soupi, Wyndham lança un informulé et la porte s'ouvrit sans un grincement. Il n'accorda pas un regard à l'arrivante – et pour cause, il avait d enouveau le nez dans ses papiers -, et se contenta d'un:

- Entrez, élève Leroy, je vous prie.

La direction ne vous changeait pas un homme.

III

Loevi entra dans la pièce d’un pas incertain, intimidée à l’idée d’entrer dans le bureau du directeur sans autre excuse plus importante qu’une visite de routine pour la santé de son chat. La dernière fois qu’elle s’était présentée à ce bureau, c’était pour négocier avec le précédent directeur les termes de sa réintégration après sa fuite d’un an - un souvenir si peu glorieux qu’elle aurait préféré de loin ne pas avoir à s’en rappeler aussi clairement en se retrouvant de nouveau là, neuf mois plus tard. C’était sa faute ; si elle s’y était prise plus tôt, elle n’aurait eu qu’à frapper à la porte du bureau des professeurs. Au lieu de quoi...

Elle resserra les bras autour de Muguet - qui la gratifia pour sa peine d’un regard blasé digne d’un “Il fallait t’y attendre” - et s’immobilisa à quelques pas, à côté d’un fauteuil qui semblait n’attendre qu’elle. Wyndham ne la regardait pas, trop occupé à parcourir avec attention une liasse impressionnante de paperasses indéfinissables pour la pauvre ex-adolescente, la laissant mariner dans un silence inconfortable. Muguet, visiblement agacé de devoir rester là sans rien faire, commença à s’agiter pour se libérer, sans doute désireux d’aller explorer les lieux à sa guise.

-Muguet ! chuchota Loevi à son oreille en le secouant légèrement. Tiens-toi donc un peu tranquille, tu veux ? Stupide chat de gouttière, ajouta-t-elle pour elle-même.

Elle attendit patiemment quelques minutes, le chat gigotant obstinément dans ses bras, avant d’oser rappeler sa présence au professeur. Elle n’avait pas tellement envie de se faire remarquer, pas avant d’avoir enfin obtenu ce foutu diplôme, en tout cas, mais si ça continuait comme ça, elle pouvait en avoir pour la journée.

-Hm... Excusez-moi, professeur ? Je venais pour faire examiner mon chat... Vous savez, celui que j’ai ramené de la Forêt ? Il n’a pas l’air malade ni rien mais vous savez, on ne sait jamais ce qui peut traîner comme maladies bizarres dans ce coin-là, alors...

Parti comme c’était, elle s’attendait déjà à se faire congédier sans autre procès pour avoir osé déranger le très occupé directeur remplaçant pour une telle broutille. Si elle avait été correctement élevée par sa famille, peut-être aurait-elle insisté sur le fait qu’on ne faisait pas attendre une descendante et potentielle Héritière BloodDust... Comme quoi il y avait eu un raté quelque part, après tout.

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IV

W. consentit enfin à lever le regard pour le poser sur la porte qui constituait l'arrière-plan de l'élève Leroy. Sur le trajet, ses rétines accrochèrent ledit chat de la jeune fille. Le gallois eut une petite moue qui pouvait passer pour un sourire, pour peu qu'on y mette un peu de bonne volonté.

- Votre chat, dites-vous?

A l'évidence, quelque chose dans la situation l'amusait.

- Si j'étais vous, je parlerais de ce que nous autres, spécialistes, appelons un kneacat. Un magnifique hybride de chat et de niffleur. C'est assez rare et...

C'était plus fort que lui. Il suffisait de lui parler Créatures Magiques pour qu'il fasse abstraction et de ses obligations et de sa froideur légendaire. C'était presque agréable qu'on vienne l'interrompre pour un problème vaguement intéressant. Autre chose en tout cas, que des soucis budgétaires, administratifs ou médicaux.

- Approchez, miss Leroy., demanda-t-il, appuyant sa demande d'un vague geste de la main. Un simple coup d'oeil lui avait suffi pour faire son diagnostique et l'animal lui semblait, en outre, en excellente santé. Mais il n'avait que rarement pu observer un tel spécimen. Ce n'était pas exactement le genre de cas étudié au Département. Pas assez dangereux. Même pas illégal.

L'enseignant prit l'animal entre ses doigts experts et le palpa délicatement, tout en murmurant de vagues paroles réconfortantes pour ne pas traumatiser la créature. A l'évidence, il montrait plus de talent dans ses relations avec toutes les espèces vivantes sauf humaines.
Tout semblait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. Peut-être une très légère malnutrition, mais, avec les virus qui infestaient le château, il n'y avait rien là d'étonnant.
L'air de rien, changeant de sujet comme d'autres changent de chemise, Wyndham interrogea la jeune fille, tout en continuant d'examiner ledit Muguet.

- Dites-moi, élève Leroy... Que pensez-vous de ma nomination au titre de directeur?

Comme si la question n'avait aucune importance, W. continua son auscultation, en marmonnant vaguement quelques mots à l'adresse du kneacat.

V

* Je vous demande pardon ? *

Muguet, un kneacat ? Une moitié de Niffleur ? Comment serait-ce Merlin possible ?

Certes, il avait vécu une année entière dans cette maudite Forêt Interdite sans paraître en garder de séquelles sérieuses (à première vue). Certes, c'était lui qui les avait retrouvées, elle et Eleanor, au milieu de cette même forêt et certes, c'était lui qui les avait guidées jusqu'à leur professeur, bien vivantes et en un seul morceau. Certes, il l'avait plusieurs fois tirée de situations délicates - ou l'y avait mise. Certes, il avait toujours eu un comportement et une intelligence de chat pas très ordinaire. Certes même, c'était lui qui l'avait adoptée et ne l'avait plus lâchée depuis ce jour - ça faisait combien d'années, déjà ? Certes... ça faisait tout de même un peu beaucoup. Mais enfin !

Elle finit par confier le félin au professeur, non sans hésiter un peu, et le regarda palper et ausculter avec la tranquille indifférence de l’habitude. Il ne dit pas un mot, au moins, il n’avait pas l’air de paniquer, c’était déjà ça. Même si Muguet était malade, ça ne pouvait pas être grave, n’est-ce pas ? Après tout, il avait l’air en assez bonne santé, vu de l’extérieur. Tout cela, ce n’était qu’une simple mesure de précaution...

Très vite, il devint clair que le professeur avait autre chose en tête que les malheurs de Muguet. Du genre considérations d’adultes. Comme le fait d’occuper provisoirement ou pas le poste de directeur de Poudlard, par exemple.

* Je vous demande pardon ? * répéta intérieurement Loevi.

Ce qu’elle pensait de sa nomination ? Depuis quand l’avis d’une fugueuse récidiviste et soumises à contraintes administratives comptait ? Depuis quand son avis comptait ? Elle haussa un sourcil et bredouilla quelques paroles incompréhensibles tant pour elle que pour Wyndham, prise de court. Question comportement mature, elle repasserait. La majorité ne faisait pas tout. Le nom non plus.

Bon, réfléchissons peu mais réfléchissons bien.

Le bonhomme devant elle s’était remis de son exposition à l’épidémie qui décimait l’école, et il semblait le vivre plutôt bien, surtout compte tenu de l’état dans lequel finissaient généralement les malades. Il n’avait rien à voir avec les vieux schnocks qui tenaient habituellement la présidence - il était autrement plus séduisant, aussi - ce qui le rendait a priori plus accessible aux élèves, pour peu qu’on lui apporte une bestiole bizarre et de préférence non répertoriée qu’on se serait bien sûr abstenus de malmener. A première vue...

-Euh... C’est bien, je crois.

Essaye encore.

-Je veux dire... Moi, je préfère, en tout cas, reprit-elle, retrouvant un peu d’assurance. Vous êtes plus jeune que les autres, et donc plus “actif”. Je pense qu’on a besoin de ça ici. Un peu de nouveauté, un peu d’énergie. Enfin... tout dépend si vous êtes du genre traditionaliste ou pas.

Ce qui, somme toute, résumait assez bien son idée. Quoi qu’il en soit, en toute honnêteté, elle s’en fichait un peu. De toute façon, après la fin de cette année elle ne remettrait très certainement plus jamais les pieds ici, pas même pour intégrer l’université, alors...

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VI

Wyndham plissa les yeux, de sorte que seul un mince filet de la scène lui parvenait jusqu'à la rétine. Ce filet était constitué, en son centre, du visage de l'élève Leroy. Aussi étrange que puisse paraître ce tic, c'était la façon d'agir du Gallois lorsqu'il tentait de percer la vérité dans les propos de quelqu'un. Oh, pas pour les petites choses banales de la vie quotidienne et autres excuses sous couvert de mensonges (Vous comprenez, professeur, mon chat a mangé l'intégralité de mon devoir et... ou encore La troisième marche de l'escalier du vingt-septième étage m'a retenue prisonnière toute la soirée et comme je n'avais ni plume ni parchemin sur moi, etc). Non, ces petites affabulations stupides ne recelaient aucun intérêt pour lui. Il réservait ces regards aux déclarations importantes, celles-là même où la vérité cachée dans les propos étaient encore plus essentielles que... Aucune importance.

*C'est... bien?*

A quoi pouvait-il donc s'attendre, quand elle lui faisait face, dans son bureau, cet endroit qui consolidait sa position de force?
Malgré tout, au-delà des hésitations apparentes, il lui semblait entendre un quelque chose qui lui plaisait. Ce même quelque chose qu'il attendait. Un soupçon d'approbation. Un peu de nouveauté, d'action, d'énergie.

- Hum.

Vague silence songeur pendant qu'il l'évaluait du regard. d'ordinaire, ses vis-à-vis n'aimaient pas être regardés ainsi, mal à l'aise.

- Dites-moi, miss Leroy, vous envisagez de rester avec nous, quelques années de plus?

Il était conscient de ce que ses paroles pouvaient ressembler à un lapsus. Il avait consulté son dossier, connaissait ses antécédents.

- En tant qu'étudiante, je veux dire. Poursuivre votre cursus.

Il ne dévoilait pas encore son jeu, ce qui était volontaire. Si elle prévoyait d'arrêter là sa scolarité, de se marier et d'élever une famille de cinq enfants et trois chiens, elle ne lui serait d'aucune utilité. Il n'avait pas pris le temps de s'informer de sa vie sentimentale. Ca ne le regardait pas et il jugeait ce genre d'intrusions particulièrement mal venues.

- En résumé, serez-vous des nôtres encore l'an prochain?

Il la quitta enfin du regard pour le reporter sur la créature qui tenait au creux de sa main. W. le tendit à la jeune fille. La réponse qu'elle lui donnerait ne devait en aucun cas dépendre du fait qu'il tenait la vie de son familier entre ses doigts.

VII

-Dites-moi, miss Leroy, vous envisagez de rester avec nous, quelques années de plus ?

La jeune fille écarquilla brusquement les yeux, choquée. Elle ignorait si l'allusion était volontaire ou non mais, dans les deux cas, c'était particulièrement blessant. Il connaissait son dossier, il savait qu'elle avait manqué une année entière de scolarité pour une fuite quasi-vaine dont elle était rentrée honteuse et meurtrie. Il connaissait son niveau, et savait parfaitement qu'elle ne méritait d'être scolarisée que dans l'optique de l'empêcher de nuire aux autres et à elle-même. Il savait tout cela. C'était douloureusement mesquin.

Pourtant, il poursuivit - et la sincérité de ses paroles, malgré tout cela, bâillonna aussi sec la colère montante de Loevi. Elle avait cru qu'il cherchait à la blesser ; il ne faisait que poser une question classique, qu'il aurait pu poser à n'importe quel élève de l'école. Il faisait simplement fi de son cursus lamentable et lui demandait ses intentions, les vraies, celles qu'elle cachait au fond de son cœur car irréalisables. Le fait qu'il se soit repris, qu'il ait précisé sa pensée, sachant pertinemment comment ses paroles seraient, et avait été, perçues, allait dans ce sens. Il ne l'attaquait pas - pourquoi l'aurait-il fait, d'ailleurs ?

Il lui tendit Muguet et elle le reprit sans dire un mot pour le serrer contre elle. Sa présence familière la rassurait, même après ce qu'elle venait d'apprendre. Surtout après ce qu'elle venait d'apprendre. Elle avait toujours fait confiance aux jugements de son chat et comprenait à présent qu'elle avait entièrement eu raison. Elle n'envisagea pas une seule seconde la portée symbolique du geste de Wyndham ; pour elle, que Muguet soit resté calme dans ses bras suffisait inconsciemment à endormir ses propres inquiétudes.

Muguet lui lança un regard toujours aussi blasé et se tortilla tant et bien qu’il lui échappa enfin, pour aller visiter le bureau à son aise comme cela avait été son intention première. Loevi voulut le rattraper puis se résigna - il y avait plus important pour l’heure, et Wyndham ne dirait probablement rien, tant que Muguet se contentait se sniffer de loin. Elle enchaîna quelques grimaces pensives, sans trop savoir quoi dire - le fond de sa pensée ou la voix de la raison.

-J’imagine que vu mon parcours scolaire, je ne peux pas prétendre avoir le niveau pour entrer à l’université, finit-elle par dire avec une moue qui trahissait sans conteste sa déception. Et il est bien sûr hors de question que je passe ma vie en septième année à essayer d’apprendre une magie que je suis incapable d’utiliser, mais...

... mais voilà, devenir une sorcière compétente lui était nécessaire pour espérer un jour s’affranchir de sa famille, et elle désirait réellement ne pas en rester au stade catastrophique de “cracmol au meilleur de sa forme” porteur de poisse et synonyme de cataclysmes incontrôlables.

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VI

W. rattrapa bien vite la vague de déception qui s'était agitée dans sa direction, en se raccrochant à ce petit "mais". Le "mais" était toujours une nuance apportée à une vérité à laquelle on aurait aimé s'accrocher.

- Vous savez, miss Leroy... Ce sont des choses qui s'arrangent.

Il la détailla un moment d'un air songeur avant de se reprendre et d'adapter sa distance coutumière. Il tentait d'évaluer quel était le potentiel de la jeune fille et jusqu'à quel point il pouvait se risquer à investir en elle. Comme c'était le cas pour la plupart des choses auxquelles il consacrait de son temps et de son attention, il ne supportait pas le gâchis. Il aimait à jouer, parfois, mais il n'aimait pas perdre. A chacun ses petits vices de caractère.
D'un ton neutre, il explicita le fond de sa pensée:

- J'ai quelque influence auprès du conseil d'administration de cette école ainsi qu'au Ministère. Un mot bien placé de ma part pourrait vous donner le petit coup de pouce nécessaire, si vous voyez ce que je veux dire...

Et dire qu'il avait toujours détesté ces machineries internes à l'administration, ces coups de piston et autre promotion non méritée. Selon lui, le mérite s'obtenait à l'effort et à la force du bras, pas à l'agilité sociale. Le cas était sensiblement différent, bien entendu. L'élève Leroy méritait peut-être qu'on lui donne une autre chance. Et, jamais, il ne s'était retrouvé dans la situation du proposeur. Parce que, songea-t-il, il n'avait jamais eu rien à proposer.

- En échange de quoi... loin de moi l'idée de vous soumettre à un quelconque chantage. Voyez plutôt ceci comme un arrangement. En échange de quoi, donc, vous pourriez m'apporter un certain, um, soutien. Vous n'êtes pas sens savoir que je ne demeurerai pas directeur, au terme de l'année scolaire. Or, j'estime ne pas être ce qui est arrivé de pire à cette école. Et, connaissant la politique actuelle du Ministère, je crains le genre d'énergumène qu'ils pourraient nommer à la place d'Anatole Rosemont.

Il ne pouvait se douter à quel point l'avenir lui donnerait raison.

IX

Des choses qui s’arrangent ? Loevi avait de quoi être profondément sceptique, mais elle dressa l’oreille : cet homme avait une idée derrière la tête et elle brûlait de l’entendre. Qui était-il pour lui assurer, connaissant ses antécédents, qu’elle avait encore la possibilité de négocier la poursuite de ses études ? S’il s’avérait qu’il se moquait d’elle et lui faisait miroiter un espoir vain dans le seul but de l’amadouer, elle le lui ferait amèrement regretter, foi de BloodDust. Mais s’il parvenait à la convaincre de la légitimité de ses paroles...

Ils se jaugèrent un moment du regard, avant que Wyndham ne poursuive, argumentant de sa place au sein de la communauté sorcière. Un léger sourire naquit sur les lèvres de Loevi. Si elle avait bien cerné le personnage depuis le début de leur discussion - et, même si elle restait un brin naïve, elle n’en était pas moins une apprentie Serpentard par le sang - elle devinait aisément ce qui allait suivre. Et Wyndham ne la déçut pas. Elle l’écouta attentivement et, cette fois, sourit franchement.

-Je vous comprends, professeur, dit-elle. Je ne fais moi-même pas tellement confiance au Ministère, pas après tout ce qu’ils ont fait ces dernières années pour nous prouver leur... incompétence notoire, si vous voulez bien m’excuser l’insolence.

Avec cet arrangement que tout BloodDust digne de ce nom se serait empressé d’accepter - en y mettant les formes, bien sûr - il lui parlait d’égal à égale. Et, loin de la gêner, cette nouvelle situation lui insufflait une confiance en elle jusqu’alors insoupçonnée. Elle savait qu’elle avait la puissance nécessaire pour soutenir Wyndham auprès d’à peu près n’importe qui - il suffisait de s’en servir. Et, pour ça, elle n’avait besoin que d’utiliser son nom.

Et elle comptait bien le faire. Indépendamment de l’aide qu’il se proposait de lui apporter, il y avait quelque chose en lui qu’elle appréciait. Quelque chose qui, selon elle, manquait cruellement au Ministère. Sous ses airs revêches, Wyndham dissimulait une autre facette : le goût de l’enseignement et du travail bien fait et, surtout, un réel souci de ses élèves ; des qualités bien cachées qui faisaient pourtant de lui un bon professeur et, par extension, un bon directeur. Elle ne pensait pas se tromper, peu importe l’image qu’il tentait de donner de lui-même. C’était la conviction qu’elle s’était forgée, à cet instant précis.

-Je vous soutiendrai, bien sûr. Vous pouvez compter sur moi et ma famille.

Son père n’aurait rien à dire. Lui aussi avait ses contacts, à l’école et au Ministère - surtout au Ministère. Mais si elle utilisait le nom des BloodDust sans le concerter, ni lui ni personne, il ne pourrait plus qu'acquiescer en silence. Et le reste de la famille avec lui.

De toute façon, pour l’heure, il n’avait aucune emprise sur elle. C’était du moins ce qu’elle voulait continuer de croire.

Elle quitta un instant le professeur du regard pour chercher son chat, toujours en vadrouille dans le bureau.

-Muguet, viens ici, on va y aller.

Fidèle à sa nature, le kneacat se dirigea à pas lent vers la porte, devant laquelle il s’assit sagement, attendant sa maîtresse. Celle-ci revint à Wyndham.

-Merci de m’avoir consacré un peu de temps, c’était très... instructif.

Oh ça, pour être instructif... Elle avait appris beaucoup de choses et ne repartait pas vraiment les mains vides. Elle avait aussi apprécié ce moment passé avec l’un des profs les moins aimés de l’école, bizarrement, mais ça, elle ne le dirait pas. Elle se contenta donc de sourire.

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X

A ce moment précis, l'élève Leroy était, sans en avoir sans doute conscience, le témoin d'un évènement extraordinaire. Ce type même d’évènement qui n'arrive qu'une seule fois dans une vie et qui vous hante jusqu'à votre dernier jour.
Willem Wyndham sourit.
Grandement et sincèrement.
Peu nombreux étaient ceux qui pouvait se targuer d'avoir vu le Gallois se montrer si humain et si ouvert.
Bien sûr, une certaine réserve subsistait. La transformation aurait été trop radicale. Et se montrer chaleureux n'était pas dans sa nature. Mais, une fois n'était pas coutume, il accepta d'abolir les distances.

Peut-être était-ce parce que, pour la première fois depuis son arrivée à Poudlard en tant que professeur de Soins aux Créatures Magiques, il recevait une marque de confiance réelle et non pas arrachée par quelques procédés tordus. La confiance ne s'obtenait de toute façon pas de cette manière.
Deuxième fait exceptionnel:

- Je vous remercie, Loe... miss Leroy.

Lui qui ne remerciait jamais qui que ce soit, si ce n'était pour marquer une ironie certaine, avait failli utiliser le prénom de la jeune fille, ce qu'il se refusait à faire tant que quiconque, fille ou garçon, était sous son autorité professorale. C'était sa façon à lui de conserver une relation saine avec ses jeunes élèves. Quelques uns de ses prédécesseurs avaient défrayé la chronique par des comportements à la limite de l'acceptable, sans avoir à en assumer les conséquences. Du moins, jamais pleinement. Une autre des défaillances du Ministère. Il y avait des choses sur lesquelles on pouvait fermer les yeux et d'autres qui n'étaient pas tolérables. Que les personnalités hautes placées puissent traiter avec un tel dédain ce genre de problème dépassait son entendement.
W. soupira intérieurement. S'il devait s'occuper de rétablir toutes les imperfections de la société magique, sa courte existence n'y suffirait pas. Il devait se concentrer sur les objectifs qu'il s'était fixé. Ce qui le fit revenir sur la discussion tout juste achevée.

- je ne vous décevrai pas. Ni vous, ni votre famille.

L'appui implicite de la famille BloodDust était plus que tout ce qu'il aurait jamais osé demander. Plutôt que sa bonne étoile, il remercia son instinct et son sens du choix. Il aurait pu se tourner vers n'importe qui et, sans le savoir, il avait sélectionné précisément la bonne personne. Bon, peut-être pas exactement sans le savoir. Il ne serait jamais aventuré sur ce terrain si les recherches menées auparavant n'avaient pas été concluantes. C'était une énième preuve qu'il ne fallait pas se fier uniquement aux bruits de couloir. Au dire de certains de ses collègues, la jeune Loevi Leroy était tout sauf fiable. Il leur prouverait le contraire. Il n'aimait rien tant que prouver aux obstinés qu'ils avaient tort.

Les derniers mots, qui auraient dû être les plus difficiles, sortirent sans encombre.

- Il va sans dire que vous pouvez compter sur moi aussi.

La façon Wyndham de lui offrir son soutien et de sous-entendre que sa porte lui serait ouverte en cas de problème... sous réserve de discrétion exemplaire.

- Merci à vous, miss Leroy. Prenez soin de votre créature...

Sur ces mots, il reprit l'attitude qui était la sienne avant l'arrivée de la jeune fille.
Si les portraits au mur étaient surpris, curieux ou simplement vaguement inquiets, ils se gardèrent bien de lui en faire part. L'épisode était clos.

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