Cours exceptionnel d'Initiation à la Vie Politique Sorcière

Ces adolescents…
Ces terribles et turbulents adolescents.
Ces fatigantes montagnes de boutons ambulants.
Ces jouets de leurs hormones.
Ces racailles en puissance.
Incapables de contrôler leurs hormones deux minutes.

Mareva garda son sang froid alors qu'au premier rang on avait plutôt le sang chaud. La Dame Rouge leva une main devant la classe pour interdire à quiconque de parler, de répondre à sa question ou de réagir au patin du siècle qui avait lieu à moins de deux mètres d'elle.

"Ils veulent jouer à ça? Très bien."

Mareva Coolwater sourit ce qui ne présageait rien de très bon.

Un coup de baguette supplémentaire valait mieux qu'un coup de sabre. Nous n'allions pas couper les langues si actives de ces deux morveux. Elle savait que cela ferait désordre dans son pedigree de s'attaquer à des élèves de Poudlard la Chère. Toutefois…

- Scotcha-gogo, prononça-t-elle avec une sobriété modérée.

"S'ils s'aiment tant que cela ne peut pas attendre la fin du cours autant les aider à resserrer les liens…"

Leurs bouches allaient être scellées l'une à l'autre jusqu'à ce que Mareva annule le maléfice. Ils battraient probablement un record du monde aujourd'hui.

- Monsieur O'Brian et Miss Scheffer, je vous serais gré d'aller terminer ces effusions dans le couloir. Vous reviendrez à la fin du cours pour demander à monsieur Gardens, qui d'ici là aura repris sa fonction et son âge, trois heures de travaux d'intérêt général à effectuer dès la rentrée. Je vous invite par ailleurs à venir me rendre visite au Triple K avec vos parents respectifs. Je crois que vous avez besoin d'apprendre la discipline et je connais au Japon un très bon endroit pour vous y aider. Vos parents recevront un courrier à la rentrée… remerciez-moi - enfin, quand vous le pourrez -, j'attendrai la fin de vos vacances pour les convoquer. Je n'aimerais pas gâcher les dernières semaines de plaisir que vous pourrez partager ensemble. Dehors.

Se retournant vers la classe pendant que, ainsi bouche à bouche, Toni et Jörgen sortaient:

- J'avais posé une question me semble-t-il.

HJ: le sujet continue pour tout le monde.

Si Eve avait été écœurée pour une main dans une main qu'allait-il en être d'une bouche contre une bouche… en plein cours ?

Toni subodorait aisément que ce baiser par trop lascif à cause du contexte dans lequel il s'inscrivait allait faire jacter longtemps les ondes GMC de ses camarades poudlariens. Grâce à l'invention toute récente de Terence Orphens, ancien Serdaigle de l'école, les Grimoires Magiques Connectés (GMC, donc) étaient le RDV des curieux. A la manière d'Internet pour les moldus, chacun était libre d'y avoir une page personnelle où on y partageait ses opinions, ses goûts, ses journées, où l'on s'improvisait arbitre de Quidditch ou des décisions politiques mais aussi où l'on pouvait aller lire les rubriques des autres. Un terrain hautement fertile pour le moindre persiflage ou ragot !

Des fois, les sorciers y faisaient publier leurs photos de vacances, leur journaux intimes, certains magazines avaient crée la version GMC de leur feuille de chou, des marques de vêtements ouvraient des pages pour présenter leurs collections et des élèves de Poulard y avaient crée un réseau social appelé Placebook où tout le monde pouvait papoter avec tout le monde et voir l'actualité des gens de l'école. C'était devenu terrible. Tout le monde était devenu exhibitionniste !

"Huit contre un que demain Jörgen et moi sommes dans le statut de quatre vingt huit pour-cent des élèves !"

Quels que soient les risques (réputation, traumatisme d'Eve Seng, punition, publication généralisée de l'anecdote sur les GMC - bien que le baiser de Jörgen n'avait rien d'anecdotique à en juger par le profond soupir de Toni), ces risques valaient bien la sensation. Jamais baiser ne fut aussi cocasse et passionné.

Le ventre de Toni papillonnait, ses mains étaient restées crispées, ses yeux ouverts de stupéfaction et son cœur grésillait. Elle se reprit vite et se laissa aller à rendre le baiser parce que plus c'était culotté, plus c'était bon. En plus, court serait le temps qu'ils avaient pour profiter de l'exquis délit. Elle était certaine que dans quelques secondes, ça serait une tribu de médicomages qui les prendraient en charge après que Mareva Coolwater les ait éviscérés.

Mais ça ne se passa pas comme ça.

Lorsque Toni essaya de s'écarter de Jörgen pour prendre pénitence, ses lèvres étaient incapables de se décoller des siennes. Leur sadique professeur leur avait jeté un sortilège. Ils étaient condamnés à s'embrasser jusqu'à ce qu'elle lève le sortilège.

Si leur situation n'avait pas été ridicule, le châtiment en aurait été presque agréable.

Toni voulut rire malgré la situation mais elle ne le pouvait pas. Et comme être contre la bouche de quelqu'un sans bouger n'était pas très agréable, elle reprit le cours du baiser tout en essayant de se lever. Il allait leur falloir une surdose de synchronisme pour ne pas se casser la figure.

Japhet faisait des petits "non" désespérés de la tête en les regardant sortir. Toute la classe gloussait et même Toni qui avait du mal à se retenir de gigoter. Elle entoura la taille de Jörgen qui, lui, allait à reculons, et le dirigea comme elle put.

Prenant pitié d'eux, Jah se leva et leur ouvrit la marche pour qu'ils ne se prennent pas de table ou la porte. Tout bas, en les accompagnant, elle leur dit :

- Dans le lexique de la trollerie, on devrait mettre "Toni" et "Jörgen" comme synonymes d'imbéciles, railla-t-elle en ouvrant la porte, vous allez avoir les mâchoires bousillées, minauda-t-elle en refermant doucement pour rejoindre sa place.

Dans le couloir, par une pression sur la taille de Jörgen, Toni le fit asseoir et essaya de s'asseoir à côté de lui à même le sol. Leurs gestes étaient désespérément maladroits et tout sauf sexy. Si quelqu'un passait et les voyaient… la honte.

Puis, elle se demandait ce qu'était le triple K. Elle prit alors conscience d'une chose horrible :

"Quand Jean va apprendre que sa convocation chez Coolwater est la faute d'un baiser donné en plein cours ! Elle va m'enfermer dans un placard jusqu'à la fin de mes jours !"

C'est à cet instant qu'elle paniqua vraiment, ne sachant se décider entre continuer d'embrasser Jörgen ou appréhender dès à présent le cataclysme qui aurait lieu à la rentrée. En tout cas, ils étaient dehors ! Pari réussi !

La pièce semblait s'être métamorphosée en une arène ou chacun tentait désespérément de faire son numéro face à la Ministre qui gérait toute cette foire avec poigne et beaucoup d'à propos.

Dans l'esprit de cette maniaque de la rectitude et de l'ordre parfait des choses et des êtres, ce n'était pas de la flagornerie d'esprit, mais un simple constat. Du côté Universitaire de Poudlard, les professeurs ne supportaient pas ce genre de scène et les étudiants avaient un tout autre respect pour eux.

Miss Coolwater ne jouait pas seulement l'arbitre des élégances, elle était le boss. " Ils ne doivent pas rigoler tous les jours au Ministère". subodora la jeune femme admirative.

Fascinée par le caractère de cette dame, Elinor leva la main pour répondre:

- Il existe une différente subtile dans l'organisation en France ou la hiérarchie désigne chez les moldus : un Président, un Premier Ministre, et autant de Ministres que de d'offices. Là-bas les Ministres ont une visibilité et un rôle officiel développé. Mais en réalité, c'est le Président qui tire les ficelles, prépare les dossiers et les envoie tout prêts à ses sous-fifres. Si ça marche il en tire toute la gloire, sinon il les laisse se débrouiller aves les médias et l'opinion quitte à les fustiger lui-même pour leur incapacité.

Côté sorcier il n'y a qu'un Ministère, dirigé par Albert Aerilith. Ses subdivisions sont des départements et sont dirigées par des directeurs. Ces gens sont des techniciens qui ne revendiquent aucune gloire ou profit. Ils font leur travail et c'est Aerilith qui est en première ligne s'il est mal fait, ce qui lui donne du panache à mon avis.

Cette organisation est plus franche et honnête vis-à-vis des sorciers que celle des moldus.





"Comment qu'il est trop nul ce mec!" Non sans blague, c'est le roi lui! Se faire rétrograder en ado boutonneux, ça lui enlèvera le peu de crédibilité qu'il avait le concierge! Impossible de ne pas sourire à ça vu qu'en plus, sa photo venait d'apparaître sur le trombi de la classe! Génial ce sort, à retenir et vite!

Toni et Jörgen venaient de se faire conduire dehors par Japhet. Ce soir sur le GMC, sur ma page, la caricature des deux tourteraux collés! Non, c'est de la déconne. Toni est Gryff et Jörg, Pouffy alors pas de vanne... Quoi que...

Je me mis à entamer mon dessin discrètement quand la malade d'à côté se mit à répondre. Et là, c'est le drame! ça n'en finissait pas, c'était long, compliqué, du charabia!

Et voilà comment on se sent ridicule en tant que fille du Chef du Bureau des aurors... On est assise près d'une tronche et on ne la ramène pas pour fayotter devant la Coolwater parce qu'on en a pas les moyens. "Bah, fayotter c'est pas ton truc de toute manière... Pas de regrets Toupie!"

Manière de faire celle qu'écoute, j'ouvris un lexique d'histoire de la magie pour essayer de faire semblant de chercher une réponse ou un nom susceptible de donner une réponse, et surtout pour cacher ma caricature des deux fous. Pendant ce temps, je repensais à l'intervention de Redgrave.

Cette nana, on dirait qu'elle a un balai coincé dans le chaudron, mais elle au moins, elle en a dans le carafon. Comprendre quelque chose à son intervention relevait du miracle pour quelqu'un comme moi qui ne s'intéressait pas à ce genre de chose. Mais elle, ça avait l'air de la passionner! Comment peut-on aimer cette matière nom scrout? Si la chance m'est donnée de survivre, il faudrait m'emmener direct voir un médicomage.

Et en y repensant encore une fois et en fixant mon regard sur elle...

Pas possible, c'est du bluff! Elle nous ferait pas prendre nos vessies pour des lanternes la Redgrave? Franchement, si elle n'était pas sortie du placard, elle descendrait bien vite de son piedestal.

'Elle est d'enfer cette petite prof !'
Voici la première réflexion qui vint à mon merveilleux esprit.
La seconde fut :
'Dommage qu'elle n'ait pas la Gardens' attitude.'

Je jetai alors un regard lascif vers sa personne. Sûr, elle était pleine de charme.

Elle venait de me rendre mon éternelle jeunesse !!!!!!
Combien de fois avais-je cherché désespérément - non un Gardens n'était jamais désespéré - à retrouver la beauté de mes 20 ans ?

Pour le coup j'eus envie de lui sauter au cou. Mais à peine en eus-je l'envie que son talent d'arbitre avait frapper à nouveau : punition pour O'Brian et GMC sniffleur ou quelque chose comme ça ! Haha, une femme qui avait du répondant ! Qui bénissait les vrais hommes tels que moi et punissait les avortons belliqueux tels que ces jeunes au balai embouché dans l'arrière-train ! (il fallait bien sûr noter qu'une fille aussi jolie soit-elle devenait laide à mes yeux si aucun espoir de reconquête ne semblait possible pour moi. Tony chou fleur était donc périmée)

Ha ! Cette gracieuse personne au rictus jovial avait tout pour intégrer le G.O.L.E.M. ... sauf qu'elle était déjà trop vieille pour y prétendre, dommage...

Ah ! Cette jouvence retrouvée... Ça me donnait envie de chanter, de danser !!!

Mais après tout, aussi jeune que je sois, j'étais concierge ! Et j'avais la Gardensssssss' Attitude !
Alors musique !
Un petit sortilège 'tampidum occipitium', son frère 'glacom bravatis' et leur cousin 'inccecum fortuna' et me voilà en robe jaune criard et Noir crotte de corbeau avec dessus marqué "Team Gardens, rejoignez le GOLEM" ; une estrade de 3 pieds sur 3 m'élevant du sol ; et ma voix retouchée magicalement avec un fond sonore :

-♪♫♪♫ Ouououooooooooh ! yeah ! C'est le Cut de James' !!! ♪♫♪♫
"♪♫♪♫ Je m'appelle James', je viens d'la Thames' ! ♪♫♪♫
♪♫♪♫ Et j'te cut et j'te cut et j'te cut"♪♫♪♫

Spoiler:

Spoiler:

Oui, le lexique de ma chanson était un peu simple, je le reconnais, mais quel talent ! Quelles paroles chocs ! Ahh quelle douce jeunesse !
Une chose était sûre : j'enflammais la salle !!!
Mon public ne pouvait qu'applaudir ma performance !
A vue de nez, je pensais avoir au moins huit bis...
Mais il ne fallait pas abuser des bonnes choses et je subodorais qu'une finale avec une sortie éclair mettrait plus encore tous ces jeunes esprits en effervescence. Je n'étais pas né de la dernière neige pour prendre des chaudrons pour des lanternes ou des anorexiques pour des dyslexiques. Mieux valait laisser le désir brûler tant que la braise était chaude... la fois suivante n'en serait que plus jouissive.
Et puis, inutile d'enflammer plus tous ces gens, sinon le besoin de médicomages se ferait ressentir et la dame Mareva peinerait de toute sa sueur entêtante à calmer l'agitation ambiante.


Laissant là mes réflexions personnelles, je commençais à annuler mentalement les sorts (l'effet crapaud de ma voix n'était pas si déplaisant) pour amorcer ma sortie.

Assez inexplicablement, la chanson s'arrêta d'elle-même (oui j'étais en plein bac comme disent les moldus). Je décidais donc de tirer ma révérence dans le cas où la Dame Mareva décide de lever le sortilège de jouvence...

Faisant un signe à mon merveilleux - et presqu'aussi génial que moi - fils - Je vous ai déjà parlé de Ritchie Gardens ? Non ? Ah, laissez-moi vous en dire deux mots : c'est un génie ! La seule personne au monde à posséder la Gardens' Attitude... en dehors de moi, cela va sans dire !!! - je lançais de ma voix de Tenor ténue :

- Ha ! Miss Cameron, veuillez me suivre dans mon bureau, j'ai à vous entretenir au sujet de votre conduite ! Et mademoiselle Pouzat, vous êtes collée jusqu'à la fin de l'année. Vous recopierez pour chaque Samedi soir 300 fois la phrase "Je dois respecter mon concierge favori-adoré et faire ce qu'il me demande" sans aucun procédé magique ni aide extérieure ! Et arrêtez de vous curer le nez en ma présence je vous prie.

En faisant semblant de ne pas avoir remarqué que ma voix montait dans les aiguës - la mue de la voix, seule véritable plaie de la jeunesse... - je ponctuais par :

- Bon, c'est valable pour vous tous si vous vous tenez mal !
"A bientôt mes chers élèves !"

Me tournant vers dame Mareva, j'ajoutais :

- Dommage que vous ne travaillez pas au ministère, je suis sûr que vous y aurez fait fureur avec votre coupe de cheveux ! J'avais envie de vous demander quel cours vous faisiez mais finalement... non, je demanderai à miss Cameron... et puis entre nous, je m'en fous un peu... hein, je suis concierge, pas ramoneur ! Nous aurons sûrement bien d'autres choses à faire plutôt que de bavasser quand vous passerez à mon bureau !

Sur quoi, je quittais de mon pas d'ado dégingandé la Salle de la Juge Impartiale et lançais depuis le couloir :

- Miss Cameron ! J'attends !

Ce qui était bien sûr impensable qu'on puisse faire attendre quelqu'un comme moi !

Réaction purement humaine ou déformation professionnelle, Mélusine avait sifflé. Sérieusement, ça n'était pas tous les jours qu'on se faisait virer de cours pour motif de débordement hormonal. Au fin fond du tout au fond de l'inavouable, il y avait même un soupçon d'envie face à l'audace d'un tel geste. Mettre ainsi ses inhibitions au placard, c'était quand même sacrément osé. Un juste dosage entre le lascif et le provoc. Pour un type avait un balai coincé dans le chaudron, c'était... surprenant. Jörgen O'Brian (facile de savoir lequel c'était, le tableau était toujours un trombinoscope magique) remontait presque dans son estime. Presque.
Derrière elle, deux Serdaigle (oui, Serdaigle. Même pas besoin de voir leur uniforme pour le savoir. Les Serdaigle étaient les seuls de l'école à savoir conjuguer subodorer à l'imparfait du subjonctif. Et qu'on "subodore que ce cours va être déterminant pour notre année" et qu'on "subodore que le concierge ne va pas faire long feu" et qu'on "subodore que Scheffer et O'Brian sont plus heureux dehors que dedans"... Genre on emploie des mots que personne ne connaît. Pffff, crâneuses!) avaient d'ores et déjà planqué leur GMC sous la table et enchérissaient à celle qui trouverait le meilleur statut.

- L'étrange pouvoir du scotcha-gogo.
- O'Scheffer - 1 / Coolwater - 0.
- Non, imagine qu'elle nous capte. Une beuglante de mes parents au petit déjeuner, ça serait vraiment rédhibitoire, rapport à Matthew.

'Rédhibitoire.... pfff. Jsuis sûre qu'elles inventent des mots.'

- La lutte de l'amour et du pouvoir.
- S'il suffisait d'aimer?
- Trop fleur bleue.
- Moi, j'aimais bien l'étrange pouvoir du scotcha-gogo.

Elle aussi. Au moins, c'était compréhensible, même par les carencés en neurones.

- Ou, alors: "Mareva Coolwater: arbitre impartial de l'amour.

Le reste de cette passionnante conversation se perdit dans les élucubrations gardeniennes. Ce type était trollement génial. S'il se faisait virer déchoir de ses fonctions d'arbitre farfelu, il pourrait toujours devenir cobaye à Ste Mangouste. Sans aucun doute, les médicomages seraient ravis de se pencher sur son cas.
Wow, wow, wow! Les choses s'enchaînaient trop vite pour qu'elle puisse tout suivre. Entre les deux pipelettes de derrière, les deux zygotos fusionnés et Coolwater elle-même, c'était sacrément folklorique.
Et maintenant, c'était carrément la débandade.
En temps normal, au cours de n'importe laquelle de ses huit dernières années, Mélusine aurait pris le même chemin qu'Adrian et que les quelques autres qui quittèrent la classe. Par esprit de contradiction, elle n'en fit rien. Peut-être parce qu'elle savait ce qu'était être prof (erk), maintenant. Ou alors, peut-être que Derek déteignait très fort sur elle. Oui. Aussi. Dans la confusion du remue-ménage, elle se pencha d'ailleurs brièvement vers lui:

"Pssssst, Derekchou... ça veut dire quoi sudoborer?"
- Sudo... subodorer? C'est une forme de soupçon, non?
"Tu le savais, toi? Z'avez une sorte de lexique réservé aux Aigles?"
- Tout le monde sait ça...
"Bah, bien sûr..."
- La preuve: toi aussi, tu sais.
"Derekchou, je t'ai déjà dit que je t'adore?"
- Moi aussi, je t'aime fô.

Adorable petit schtroumph. Il lui avait manqué durant ses propres cinq premières années. A vrai dire, il n'y avait vraiment que depuis quatre ans qu'elle avait vraiment trouvé sa place à elle au sein de Poudlard. Un peu de flou, beaucoup d'incertitudes. Mais depuis quatre ans, la vie était devenue beaucoup plus belle. Avec ses hauts, ses bas et ses milieux. Mais belle quand même, à tout prendre. Le zeste de folie de Maude qui éclairait son quotidien. La binômité d'Althéa, toujours partante pour tout, surtout pour le pire. La folie douce de Luna. La sagesse d'Hermione. Et Jonathan, à l'époque où elle rougissait rien qu'à le croiser. Les frittages avec Leonhart. La haine cordiale avec De Lansley. Et Oma! Oma et l'aventura fantastique. Et Eden à l'amitié nocturne.
Et puis James... les difficultés du début, les étincelles... avant l'Etincelle.
Oui, en quatre ans, elle avait haï autant qu'elle avait aimé. Elle s'était battue sans jamais se résigner. Elle avait connu le renvoi et la résistance. Elle avait cherché à comprendre. Elle avait été promue nouvelle star des Gryffondor. Meilleure ennemie et témoin de la partie adverse. Elle avait vécu victoires et défaites. Et elle avait rêvé plus qu'à son tour.
Oui... quatre longues et belles années.
Petite pointe de nostalgie.
Passons.

Alors, où en était-elle?
Ah oui, qu'elle restait à sa place. Par esprit de contradiction en version officielle. Par curiosité et même un soupçon d'intérêt en version officieuse.
Bon, Redgrave (tiens, elle l'avait même oubliée dans sa recapépètation) avait pas tout balancé dans son petit discours de presque ex-Serdaigle, si? Ce n'était pas ce qui empêcherait Mélusine de placer son petit mot, de toute façon.
Quelles différences entre la politique sorcière et moldue?

"La magie."

Les deux charmantes ( ) jeunes Serdaigle pouffèrent, comme un bon nombre des élèves survivant au "foutez-moi le camp si vous voulez bien".
Tss tss.

"Ben oui, c'est une différence fondamentale, non? Déjà, non seulement, pour avoir des responsabilités, il faut avoir une tête bien faite mais aussi en avoir dans la baguette. Les sorciers médiocres peuvent difficilement prétendre à un poste à responsabilités."

Heureusement qu'elle, elle visait du côté du Quidditch.

"Et puis, ensuite... en cas de boulettes, la magie sert toujours. Modifier les mémoires, remonter le cours du temps..."

Elle voulait bien être naïve mais pas au point de croire qu'il n'y avait pas quelques trucs pas nets dans le fond. Fallait pas non plus tenter de lui faire prendre des chaudrons pour des lanternes. Non mais.

"Et puis aussi, d'un point de vue logistique, les sorciers ont quand même carrément moins de monde à gérer. La communauté est beaucoup plus restreinte et plus facile à surveiller, dans un sens. La preuve, le Ministère peut se permettre d'envoyer des... gens pour nous surveiller. Ca m'étonnerait que les Moldus espionnent chaque école."

Un soupçon de rancoeur? Où ça?
Aux airs sceptiques de beaucoup, Mélusine se doutait bien qu'elle n'avait pas fait preuve de beaucoup de discernement. En même temps, elle n'avait jamais dit qu'elle voulait briller façon Hermione Granger. Elle avait des choses à dire, elle les disait et certainement pas pour faire avancer le schtrucmuche.

"Ouais, en fait, Poudlard, c'est une sorte de mac... mirc..."

- C'est quoi le mot que tu cherches?
"Tu sais... quand y a une mini société qui est à l'image de la grande. Genre un mini-modèle."
- Genre un microtruc-là...?
- Un microcosme peut-être?
- Ca va, hein? Pas besoin de crâner.
"Hé! C'était ma réplique, ça."
– Oui, mais moi, j'ai décidé que c'est pas parce qu'ils sont grands qu'ils ont le droit de se moquer.
"Ca, c'est très très bien dit. Je te prêterais ma batte si tu..."
- Hum... peut-être que tu pourrais finir ta phrase, non?
"Oh, hein! Ca va. Vous les subodoreuses, on se passe de votre avis."
- Subodoreuses?
- Ca doit venir de subodorer.
-

'Attention, humour Serdaigle, grillage de neurones en vue.'

Et les deux bleues de pouffer en choeur. Derek ne riait pas, ça ne devait pas être si drôle.

" Continuez de subodorer de votre côté et foutez-nous la paix."

Non mais. C'est pas parce qu'à elle toute seule, elle n'avait pas le quart de la moitié de leurs capacités cognitives que fallait se laisser faire.

"Bref... Poudlard, c'est un genre de microcosme de la société politique sorcière. Nos préfets et nos capitaines de Quidditch ( ) sont choisis par les profs et le directeur."

Pas qu'elle s'en plaigne. Poudlard avait un très bon goût pour choisir ses capitaines. Gadflies forever.

"On parie que les Moldus, ils font des sessions de vote pour se choisir des représentants dans leurs écoles? Et sûre qu'ils sont jamais contents."

Hein? Quoi? Des remarques constructives? A quoi ça servait?
N'empêche, si ils organisaient des élections dans l'école, qui voterait pour qui? Tiens, elle voterait pour Derek, nah! Au moins, ils avaient des centres d'intérêt communs. Sérieusement, quand il y avait plein de candidats, comment on faisait pour choisir le meilleur? Du veritaserum? Des tests de capacités? Une analyse approfondie de leurs qualités morales? Un peu des trois? Ouais, sauf que les Moldus, dans les deux premiers cas, n'avaient ni potions, ni veritaserum.
Le système sorcier avait au moins l'avantage de pas se prendre la tête. Ils avaient le dirigeant qu'ils avaient et, le cas échéant, ils pouvaient toujours râler très fort. Ou balancer leur batte dans la tête d'un de leur représentant.
Digression purement personnelle.

Fini? Ben c'était autant abrupte que l'entrée en matière. Enfin, j'allais pouvoir retrouver la vraie vie à présent.
J'étais en train de ranger mes affaires en chantonnant à voix basse quand Redgrave m'interpela.

- Pourquoi n'es-tu pas partie quand tu en as eu l'occasion?

- Bah, qui te dit que ça ne m'intéressait pas? demandai-je intriguée par cette question.

- Parce que tu as passé les trois-quarts du cours à dessiner.

Percée à jour en quelques secondes par une ancienne Serpentard, ça, ça fait mal. Mais bon... Même si je n'avais pas à me justifier...

- A cause de mon père.

Elle me sourit et prit la parole d'un air très doux. Ce n'est pas trop ce que j'avais entendu dire à propos d'elle.

- Ce n'est pas parce qu'il est Chef du Bureau des Aurors que tu devais te sentir obliger devant la Ministre. Je suis sûre qu'elle aurait su faire la part des choses Tuppence. Si elle t'avais prise à dessiner, je pense que tu t'en serais plus sortie que si tu étais partie.

- Peut-être.

Oui, elle avait peut-être raison. C'est étrange comme en quelques phrases elle avait réussi à changer l'avis que je m'étais fait sur elle.


Dès que ses affaires furent dans son sac, Elinor se dirigea vers le Bureau de Mareva Coolwater sourire aux lèvres. Durant le cours elle avait été impressionnée par cette personnalité et mourait d'envie d'aller lui demander quelque chose. Il n'y avait aucune arrière pensée ou de flagornerie dans son esprit.

Avant d'engager une quelconque conversation avec la Ministre, elle changea de direction et alla voir Caleb.

- Salut. Dis-moi, ça te dirait d'aller boire un verre à Pré-Au-Lard?

Ce garçon l'intriguait. Il y avait mille et une petites choses qui lui faisaient une drôle d'impression à son propos. Et puis, il y avait eu ce lys en cristal.

Quand elle eut sa réponse, elle retourna près du bureau et osa demander à Mme. la Ministre si elle pouvait espérer obtenir un stage au Ministère l'été prochain.

Après ça, Elinor retourna dans l'aile universitaire.

"Mais Jörgen arrête de rire !" se désespérait-elle en gigotant. Sa mâchoire avait une crampe mais elle ne parvenait pas à calmer son fou rire intérieur. Fou rire communicatif qui manqua de la faire s’étouffer. Mais l’envie se dissipa comme un souvenir dans une pensine quand James les pria de rentrer dans la classe. Ils croisèrent ceux qui étaient en cours jusqu’à la fin et les moqueries reprirent de plus belle. Toni essaya d’enregistrer un maximum de noms pour les faire payer dès qu’elle serait libre.

"Tiens, Jah."

Toni lui fit un petit coucou de la main et continua d’avancer avec Jörgen au bout des lèvres en direction de son amie.

- Vous êtes cumulo-pathétiques. T’as gagné un séjour au Japon dans un camp de concentration avec Coolwater. Elle nous l'a décrit, ça craint. C'est maman Scheffer qui va être contente ! T'as toujours envie de partir en Egypte, Jörgen ?

"Ah ? Mais James avait plutôt l’air de trouver ça chouette."

Il fallut à son imagination trouver un juste milieu entre "le camp de concentration" et le "bande de petits veinards". Aussi opta-t-elle pour un sorte de compromis : un séjour au Club Med où on serait obligé de débarrasser la table et d’apprendre par cœur le prospectus des activités en compagnie de Wyndham. Trop nul.

- Quand tu seras libérée, tu me retrouves à la bibliothèque ?

Elle fit un petit oui de la tête qui se transforma en grand n’importe quoi car Jörgen devait suivre. Il était particulièrement difficile de se concentrer avec la langue de quelqu’un dans sa bouche

Japhet étouffa un petit rire moqueur et se reprit :

- Je ne vous félicite pas tous les deux.

Elle avait l'air de songer tout le contraire.

Devant la ministre, Toni et Jörgen se tenaient de profil pour pouvoir la voir tous les deux avec un œil. Japhet avait raison : pathético-cumulos…

"Ou quelque chose comme ça."